Le papier 23 octobre 2005

 


REACTIONS A LA " NUIT BLANCHE
"


En s'ouvrant à l'imagination d'un jeune artiste argentin, Hugo Bonamin, pour une installation éphémère - un rêve - de chaises dans l'espace, le soir de la Nuit Blanche, St-Merry a permis à l'art contemporain de s'intégrer à sa vie spirituelle et culturelle, ce qui est un objectif capital depuis sa fondation. Ceux qui ont longuement déambulé ce soir-là témoignent de leur émotion.

" Je ne suis pas du tout sensible à cette forme d'art. J'aurais préféré l'église vide plutôt que ces chaises. Pour moi, cela n'a aucun sens. " D.L.
" On voit une progression dans la reconquête de l'espace et donc de la liberté. "
A.M.

" Pour ma part j'ai trouvé cette initiative vraiment excellente.
Malgré la fatigue, nous avons tous fait de multiples rencontres et appris des choses sur nous mêmes.
Ce que je retiendrai de cette opération, c'est la cohésion qu'elle a su mettre dans notre communauté entre tous ses membres (y compris le dimanche matin lors de la célébration) autour de cet événement.
Une porte a été ouverte sur le risque et l'audace d'être chrétien autrement à Paris. Le dépoussiérage de la chaire sera le symbole du dépoussiérage de nos habitudes. " P.F.

" Cette déambulation est sympathique, apaisante Elle est différente de celle des touristes des jours ou dimanches ordinaires, peut-être parce que c'est la déambulation d'une vraie foule comme on en a rarement vue dans l'église. " J.V.
" J'ai compris que ce lieu n'est pas fait pour s'asseoir, mais pour agir. " J.L

" C'était l'ardente obligation de se remettre en question, d'abandonner les habitudes, de se re-situer face à cette provocation.
Je n'ai jamais vu autant de jeunes hommes et jeunes femmes dans l'église et heureux d'y être. J'avais l'impression qu'ils se réappropriaient les lieux particulièrement en montant dans la chaire d'un air de dire: "c'est à nous de parler maintenant". La queue pour monter dans cette chaire était singulière.
Peut-être faudrait-il davantage de désordre dans l'Eglise pour permettre à des idées nouvelles de s'éveiller. " B.S .
" Pour moi, je me suis senti libéré, dépoussiéré, réjoui, converti, transporté.
J'en reste marqué, transporté par une joie évangélique, c'est-à-dire tranquille et vitale. " M.G

" Autre regard sur l'espace de l'église, sur le carré au sol qui s'élève pour décrire l'espace où se dit la parole dans le silence... " D.C.
" Les chaises peuvent représenter l'assemblée, cela a quelque chose de beau mais aussi d'étouffant ; en disparaissant peu à peu et en brisant l'ordre elles laissent émerger la liberté qu'on respire à St Merry et qui est celle que procure l'Evangile. "
F.D.

" Même de vieilles chaises nous font réfléchir.
J'ai éprouvé un bouleversement, une conversion, une libération, dans un soupir de soulagement. " M.G.

" Toutes ces chaises dans l'espace laissent penser qu'une situation que l'on croit bien assise est parfois incertaine. " H.L.
" L'oeuvre a été occasion de fête et je pense qu'il faut s'en réjouir. "
M.H.

" Ce qui me touche, c'est que ces chaises ne se regardent pas. Elles ont fait l'effort insensé de se structurer autrement. L'important étant de laisser la place - de laisser passer l'Autre, le Visiteur- de le rencontrer. " J.C.
" C'était un éblouissement.
Déjà, en arrivant par la fontaine, la farandole sur le mur extérieur de l'église dansait au dessus de la foule, au rythme de la musique.
Comment ne pas penser à la tempête de l'Evangile, au grand vent de l'Esprit qui balaye l'Eglise, nous empêche de nous y asseoir trop confortablement…
Nous avons manifesté que notre Eglise vivait au rythme de la cité, faisait fête à la création et à la beauté, était ouverte à tous. Avons-nous fait une place lisible à ce qui fonde notre attitude, à notre foi dans le Christ ? "
M.R.
" L'église est un lieu de méditation personnelle, de recueillement. Mais elle est aussi, et sans doute plus encore, un lieu de rencontres que la circulation rendue possible par l'absence des chaises favorise.
Enfin, il y a eu bien sûr ceux qui n'appréciaient pas du tout, certains choqués, d'autres regrettant qu'on gâche une si belle église. Importance qu'ils se sentent reconnus dans leur sensibilité. " M.G.

EMMANUEL MEYSSONNIER NOUS A QUITTES LE 10 SEPTEMBRE…
Ses frères et sœurs lui disent au revoir

Notre frère Manu, c'était du solide, la force de la nature. Dans la vie il s'en ait pris des coups dans tous les sens, mais il se relevait toujours malgré les blessures. Toutes petites déjà, il nous protégeait des assauts répétés de notre frère Antoine qui se faisait minuscule devant sa carrure imposante.
Notre frère Manu avait le sens de l'humour et de la provocation : avec son sourire en coin, il nous en a fait voir de toutes les couleurs.
Notre frère Manu n'importe où il allait ne passait pas inaperçu : c'était devenu la figure de son quartier et pendant ses vacances en Corse, il pouvait conquérir une plage entière. Il était très curieux, de la vie, des gens, des choses.
Notre frère Manu aimait parler et surtout aux femmes. Il aimait la bonne chère et le fromage en particulier. C'était un vrai comédien, sur scène comme dans la vie.
Notre frère Manu, c'était lui qui nous rappelait que coule dans nos veines un peu de sang corse : la flânerie, la nonchalance, surtout ne pas aller trop vite, ne pas trop travailler… Et la tchache et le sens de la famille. Ah, le clan, protéger le clan était son obsession.
Notre frère Manu était peut-être un handicapé mais pour nous il était notre frère. Il nous a beaucoup appris au travers de son handicap : à accepter le regard des autres, à avoir un regard différent sur nos différences.
On se joint à notre frère Manu pour remercier tous ceux qui lui ont prêté l'oreille, tendu la main et accueilli.
Notre frère Manu a enduré beaucoup de choses, peut-être trop. Nous pouvons le laisser aller en paix et rejoindre Papa.

LES MORTS DE LA RUE

Le Collectif les Morts de la Rue organise deux célébrations dans l'année : une laïque et la seconde religieuse. Cette année, c'est le temple Bouddhiste Tibétain de Levallois qui reçoit.
Rappelons que le collectif "Les Morts de la Rue" auquel s'est joint le CPHB, s'est constitué fin 2002, poursuivant et élargissant l'action commencée à Paris par l'association "Aux Captifs la Libération".
Devenu association autonome, le collectif a ainsi défini ses buts, dans ses statuts :
Mettre en oeuvre et développer les actions nécessaires :
" Pour la recherche, la réflexion et la dénonciation des causes souvent violentes des Morts de la Rue
" Pour les funérailles dignes de la personne, de la personne humaine.
" Pour l'accompagnement des personnes en deuil et de leur entourage sans distinction sociale, raciale, politique ou religieuse.
Les membres du CPHB sont cordialement invités à cette célébration, pour se joindre aux hindouistes, bouddhistes, juifs, chrétiens, musulmans et autres laïques.

Les personnes de la rue,
Les associations auteurs de ce faire-part,
Vous invitent à une célébration interreligieuse
Hindouistes, bouddhistes, Juifs, Chrétiens et Musulmans
A la mémoire des Morts de la Rue
Le mardi 15 novembre 2005
A 19 heures 30
Au temple bouddhiste Tibétain Rigpa
6 bis rue Vergniaud
92300 Levallois-Perret
Métro Louise Michel

Une collation sera servie à l'issue de la cérémonie

THEATRE A SAINT MERRY : SCANDALE OU GRACE ?

" Seulement les éléphants " 1ère pièce jouée à titre expérimental, à St Merry, a suscité enthousiasme et critiques. Son auteur Jacques Mérienne, nous donne quelques clés pour comprendre comment le théâtre, via le genre de la farce, exprime la vérité humaine, révèle, le sacré là où on ne le cherche pas, dénonce les tabous qui nous éloignent du trésor caché.

L'expérimentation de l'Accueil Théâtre a commencé par quatre séances qui ont divisé le public. Certains ont été blessés, qu'il acceptent nos excuses, certains, plus nombreux, ont été enthousiastes, qu'ils soient remerciés de leurs encouragements. Si l'accord s'est fait en général sur la valeur du travail artistique et, hélas aussi, sur les déficiences de la technique (audition difficile), il ne s'est pas fait sur le contenu : mais on s'y attendait ! Si ce n'est pas pour passionner les uns et les autres, à quoi bon prendre une telle initiative à Saint Merry ?

Dans une église les limites à ne pas franchir sont claires : ne pas heurter la pudeur par le comportement des comédiens, même si l'on parle de choses osées, voire tabous, et ne pas blasphémer (quelle que soit la religion dont on parle, toutes doivent être respectées), même si un personnage exprime une révolte contre Dieu. Cependant, c'est sa richesse, le théâtre stimule l'imagination du spectateur qui a tendance à en voir plus que ce qui lui est montré, et a réagir en conséquence davantage sur sa propre impression que sur la rigueur éthique du spectacle. On ne vient pas au théâtre pour faire sa lessive et pourtant on y apporte son linge sale ! C'est fait pour ça, mais ce n'est que du théâtre : le défi des comédiens est de faire ressentir au spectateur que même si ce qui se joue n'est pas " pour de vrai ", la licence poétique exprime une profonde vérité humaine. Le comédien qui incarne celui qui meurt à la fin ne meurt pas vraiment (soyez rassurés !), et les paroles qu'il prononce sont " distancées ", c'est à dire qu'elle ne sont que l'écho de paroles (parfois choquantes) qui, elles par contre, sont réellement prononcées ailleurs, en d'autres temps et en d'autres lieux, et qu'habituellement on n'entend pas parce qu'on peut se boucher les oreilles, ce qui est de plus en plus difficile devant la soupe télévisuelle qui nous laisse anesthésiés.

Dans nos célébrations liturgiques, dans les concerts et dans cette dernière initiative, quelle conception du " sacré " est en jeu ? Je le disais l'autre jour à la fin de la messe : on apprend (de moins en moins !) aux enfants à se tenir tranquilles dans une église : c'est-à-dire à faire silence. Mais si on en reste là, on ne leur apprend qu'à se taire. Je rêve que dans une église on leur apprenne aussi à crier (ou chanter ?) leurs peines et leurs joies, leurs bonheurs et leurs révoltes. Tant pis si cela fait du bruit : ce sont nos silences qui étouffent la douleur ou l'espérance du monde, pas nos cris ni nos chants. Le sacré c'est le cœur de l'homme : " car ce que dit la bouche, c'est ce qui déborde du cœur. L'homme bon, de son bon trésor retire de bonnes choses ; l'homme mauvais, de son mauvais trésor, retire de mauvaises choses. " Or je vous le dis : les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole sans portée qu'il auront proférée ". (Mt 12/35)

Bien sûr il est dans la règle du jeu de la Farce (depuis l'antiquité) de " choquer le bourgeois " avec les tabous de l'argent (aujourd'hui l'argent sale du " libéralisme sauvage ") et du sexe (aujourd'hui le tout-sexe médiatique obligatoire). Mais ces tabous-là ne sont que des leurres qui en dissimulent d'autres, que notre société occulte avec obstination : l'amour et la mort, dont il est encore plus transgressif de parler librement entre nous, et avec ceux qui nous entourent. Le genre de la farce le permet de façon très directe, parfois brutale, et c'est tonique.

A la fin d'une séance une jeune femme s'approche de moi. Elle a le visage réjoui de quelqu'un qui a passé une bonne soirée à rire, mais il y a plus que cela dans ses yeux : " Cela a été pour moi, dit-elle, un moment de grâce, oui vraiment de grâce - on dit comme ça n'est-ce pas ? - J'ai été éduquée chez les sœurs et à l'adolescence j'ai tout envoyé balader pour vivre comme je l'entendais. Ce soir, écouter tout cela, et en rire, m'a libérée : j'ai pris conscience qu'en moi, à côté de ma révolte de mon rejet virulent de l'Église, cohabitait encore l'Évangile, et je me le cachais ". Elle a décelé au creux du texte la petite perle d'Évangile qui y est cachée, la prochaine fois je la cacherai mieux, mais les cœurs purs ont le nez creux.

Jacques Mérienne


 
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