Prises de paroles

 


Dimanche 23 septembre 2012
25ème dimanche

"De quoi discutiez-vous en chemin ?"

Lectures
• Livre de la Sagesse (Sg 2, 12.17-20)
• Lettre de saint Jacques (Jc 3, 19-4, 3)
• Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 9, 30-37)

 

Présentation des 2 demandes de baptême et d'une demande de confirmation

Séverine Diesnis :
J’ai grandi dans une famille radicalement athée, mais j’ai étudié dans une école primaire et un collège chrétien dont le seul souvenir qui subsiste est la parabole du semeur.
À l’approche de la trentaine, j’ai fait la connaissance d’un homme juif pratiquant et malgré mon athéisme, il a su m’enseigner les bases de l’ancien testament et faire germer en moi une graine de foi.
À cette époque, j’ai réalisé un voyage à Jérusalem espérant avoir le déclic, l’émotion qui devait affirmer ma foi dans ma spiritualité, mais je suis revenue déçue de ne pas avoir été « mystifiée » par les lieux saints…
À la veille de mes 35 ans, une rencontre avec une personne chrétienne de ma famille que j’avais perdu de vue, s’est contentée de peu de paroles, mais a su déclencher en moi comme une lumière.
Elle m’a simplement suggéré que : « je pouvais avoir tout ce que je voulais si cela était bon pour moi »
Par la suite, un ami de longue date, Jocelyn ici présent, a su me guider dans mes premiers pas à la messe, a su répondre à mes premières interrogations et aidé mon cheminement vers ma demande de baptême d’un œil bienveillant.
Comme pour rattraper inconsciemment le temps perdu, j’ai plongé dans une boulimie de connaître et comprendre tout ce qui pouvait me rapprocher de Dieu.
Aujourd’hui, j'ai le sentiment de faire partie cette alliance, qui me fait avancer chaque jour depuis cinq ans.
Le fait de goûter l'évangile au quotidien me nourrit, me donne une confiance que je méconnaissais avant de ressentir l'esprit qui m'unit à vous aujourd'hui.
Loin de moi l'éblouissement idiot ou la révélation, mais une force indicible et intérieure qui me fait de moi un enfant de Dieu.
Il m’a suffit d'avoir envie de regarder autre chose que les chimères et les idoles de notre temps présent. Trop flouée par la vie que je menais, j'ai reçu le cadeau de l'esprit de Dieu
Saint Matthieu nous dit :
Mt 7:7- " Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira.
Mt 7:8- Car quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe on ouvrira.
Et aujourd'hui je l'affirme, c'est la plus belle histoire d'amour qui m'a été donnée de vivre, vivre dans l'amour de Dieu, être enfin libre d'aimer et d'être aimé sans jugement.

Séverine Diesnis

Mathilde Ordonez
Mon père se disant athé, nous ne parlions pas beaucoup de religion dans notre famille. C'est ma grand-mère paternelle, aujourd'hui disparue, très pieuse qui m'en a parlé pour la première fois. Grâce à elle, par ses paroles, je savais au fond de moi que je voulais être baptisée, suivre le chemin de Dieu, mais je ne me sentais pas prête.
Puis des évènements malheureux sont survenus et étrangement je n'étais pas en colère, je comprenais, je pardonnais. J'ai alors compris que j'avais entendu les paroles de ma grand-mère, les enseignements de Dieu, que j'étais prête.
J'ai alors frappé à la porte de plusieurs églises, sans être vraiment convaincue. Puis j'ai eu la chance, par hasard, de frapper à la porte de Saint Merri et de rencontrer des gens exceptionnels qui m'ont accueilli chaleureusement et m'accompagnent aujourd'hui dans ma démarche de baptême.
Si je demande aujourd'hui le baptême c'est pour me rapprocher de Dieu, de son amour, et pouvoir dire enfin que je souhaite le suivre, entrer dans cette belle communauté."

Mathilde Ordonez

Gilles Sredic:
"C'est en fréquentant les églises que j'ai rencontré l'Eglise. Baptisé petit enfant, mon éducation religieuse n'a jamais eu de suite. Pourtant, je pense qu'il m'est resté du sacrement une attirance particulière pour ces lieux. A force de passer pendant les offices, je me suis arrêté. D'abord dans la cathédrale d'Albi, où j'étudiais, et où les fresques sur la damnation m'ont appris qu'à la fin nous devrons rendre des comptes ; puis ici à Saint-Merry où j'ai discuté des Evangiles avec vous au milieu de la messe en brisant l'axe unique des rangées de chaises. J'ai également rencontré des gens qui essaient de vivre selon cette bonne nouvelle, que j'entends aussi désormais. C'est pourquoi je suis ici ce matin, pour me mettre en route parmi vous, tout simplement parce que je crois au message des Evangiles."

Gilles Sredic

Commentaire sur Mc 9, 30-37
De quoi discutiez-vous en chemin ?

Sur le chemin qui le mènera à Jérusalem, Jésus annonce pour la deuxième fois à ses disciples sa Passion et sa Résurrection. Les disciples qui le suivent discutent entre eux : de quoi ? Ils voulaient savoir qui d’entre eux était le plus grand. Ils suivent Jésus, mais sont-ils sur le même chemin ?

Alors que Jésus annonce l’humiliation ultime qu’il doit souffrir et traverser, avant de parvenir à la Résurrection, les disciples sont dans une logique de rivalité… Une fois de plus « nos chemins ne sont pas Ses chemins ». S’ils se taisent quand Jésus les interroge, cela ne résulte pas seulement de l’embarras dans lequel ils se trouvent. Ce que Jésus leur annonce est un tel paradoxe aux yeux du monde que les disciples ne parviennent pas à entrer dans le jeu : comme Daniel l’avait annoncé, le Fils de l’Homme ne peut venir que dans la puissance et dans la gloire.

Jésus ne leur en fait pas grief, il ne leur tient pas un discours moralisateur, Cette logique de jalousie et de rivalité n’est-elle pas une réalité humaine que nous connaissons bien ? Il leur oppose ses vues sans détour, et leur donne une clé inattendue pour être le premier : se faire le dernier et serviteur de tous.

Voilà un programme bien déconcertant. Il implique un total renversement. Ce chemin sur lequel les disciples, et nous à leur suite, sommes invités à nous engager, c’est un chemin de conversion qui inverse radicalement la logique de notre monde, et celle de notre rapport aux autres. Ce renversement des critères et des valeurs est bien une des pierres angulaires du message évangélique. Jésus en donnera lui-même une frappante illustration lors du lavement des pieds, le soir de la Cène. Mais ne nous laissons pas prendre au jeu des mots : il ne s’agit pas de remplacer un système de valeurs par un autre. Ce qui nous fait vivre n’est pas un système, c’est l’attachement à la personne du Christ, à sa Croix, à sa Résurrection. Et c’est cela qui modifie le regard que nous posons sur le monde et la relation que nous établissons avec les autres.

Ce retournement, Jésus en donne immédiatement un exemple. Il accueille un enfant, lui témoigne son affection, nous invite à faire de même et à y voir l’image de l’accueil qu’en Son nom, nous réservons à Dieu et à sa Parole. L’enfant, à l’époque où se situe la scène, est un être qui n’a aucune reconnaissance sociale, aucune expression dans le champ du religieux. Il est ici le symbole de ce qui est petit, faible, dépendant, c’est lui que Jésus embrasse, le revêtant alors d’une éminente dignité, de même qu’est reconnue la grandeur de qui se fait le serviteur de tous.

Guy Ringwald

Homélie
Entrée dans l’Eglise ? Oui, entrez donc ! C’est libre ! On n’est pas obligé, on ne l’a jamais été, malgré quelques contresens historiques sur la question. Oui c’est un plongeon le baptême, c’est le sens même de son nom : plongeon dans le torrent de l’amour de l’Esprit du Christ. Entrée aussi dans l’Eglise. Sans angélisme, ni cynisme, mais avec réalisme. Eglise, une communauté humaine en devenir, en gestation continuelle, appelée à se laisser transformer par l’Esprit du Christ. Communauté de saints promis à la sainteté.
Le portrait qui ressort de l’exhortation de Jacques dans sa lettre est troublant au départ. Alors c’est ça l’Eglise ? Merci bien ! Jalousie, rivalités, désordres, conflits, actions malfaisantes…comme dans la vie donc. Qui est le plus puissant, le plus beau, le plus intelligent, le plus riche…c’est pareil dans l’Eglise aussi ?
(Pas chez nous bien sûr. Hm !)
Il m’arrive de passer d’Eglise en Eglise et je fais parfois l’expérience de la jalousie et de la convoitise quand je suis en Afrique. Mon cœur a beau foncer un peu, je reste blanc de teint avec tout ce que cela signifie.
La jalousie concerne l’avoir, mais plus encore l’être. Ce que l’un possède rend jaloux celui qui ne l’a pas. Plus encore c’est la place de l’autre que le jaloux veut occuper. Là est sa faute morale si on veut, mais surtout son erreur de casting. Car c’est à chacun de trouver sa place, et non de s’emparer de celle de l’autre si enviable, tellement meilleure.
La force du CPHB est d’être « créateur de liens forts dans une société à liens faibles », ai-je lu jadis dans un Papier. Justement la communauté des disciples de Jésus s’entendent mutuellement, s’entraident à trouver leur place à chacun. Il y a toujours du travail, de l’épreuve, de la traversée pour y arriver. Autant de noms pour la conversion. Pour vivre dans la communion, la paix, la compréhension. Alors comment y arriver ? Voici trois indications.
Vivre l’esprit d’accueil et d’ouverture. Il se nourrit de tous nos engagements à l’extérieur. C’est ce que nous partageons en communauté, ce dont nous rendons grâce au Seigneur, ce qui nous encourage les uns les autres.
Accueillir le Christ aussi bien sûr dans sa Parole. Elle nous entraîne, elle nous remet en cause, nous déplace.
Vivre nous même de la Parole et du silence. Ah le silence qui permet de dépasser rivalités et conflits. Prière et silence. Il permet d’être soi-même, de ressentir la force de son intériorité. Indignez - vous ! Indignons nous, certes mais sans haïr. La non - violence désarme l’agresseur. Elle change le regard. Elle éveille la conscience. Le respect de l’autre l’humanise, et me fortifie. Oui c’est un entrainement.
Vous ne priez pas ! Ou vous demandez des richesses. Etonnez - vous de ne rien recevoir, dit l’apôtre Jacques. Saint Augustin disait que le non exaucement de la prière est toujours bon pour le salut. Cela ne doit pas nous dégouter de la prière, plutôt nous faire réfléchir à ce qui est en jeu.
Vivre et agir dans la paix et la justice. C’est dans la paix qu’est semée la justice, pas de paix sans la justice. Pas de justice non plus s‘il n’y a pas de paix minimum.
Alors souvenons nous que l’Eglise est servante. C’est l’ensemble des baptisés qui est coresponsable de la mission : mission de justice et de paix, mission de vivre dans la beauté et la communion, mission de pointer sur Celui qui est la source de notre vie, le Christ Jésus. Lui qui veut donner la vie en abondance à tous.
Il demande de l’accueillir, comme la Parole du Père qui l’a envoyé. Il n’attire pas l’attention sur lui parce qu’il est le premier et le plus grand, ce qu’il est en vérité, mais parce qu’il s’est fait le dernier et le serviteur de tous.
Accueillir comme un enfant. Ecouter la parole, nous laisser ajuster par elle. Allons - nous laisser désarmer notre colère et notre violence dans la prière aujourd’hui ? Accepter le dialogue et la confrontation pour construire la paix dans la justice ?

Nicolas Guerin