Prises de paroles

 


Dimanche 15 janvier 2012
2ème dimanche
JOURNEE MONDIALE DU MIGRANT ET DU REFUGIE

"Voici, je viens !"

Lectures
• Livre de Samuel (1 S 3, 3b-10.19)
• Lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1 Co 6, 13b-15a.17-20)
• Evangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 1, 35-42)


Accueil

Bonjour !
Bienvenue à vous qui êtes de passage et à vous amis de la communauté,

A l’occasion de la journée mondiale du migrant et du réfugié, le pôle solidarité qui regroupe la Commission Partage, l’Homme debout, Le Réseau Chrétien Immigrés, Solidarité Nouvelle face au Chômage et Solidarité Nouvelle pour le Logement, a choisi de préparer la célébration d’aujourd’hui.

En rentrant lundi soir après cette préparation où nous étions nombreux, et où nous avons partagé les interrogations que nous pose la vie des exclus de toutes sortes, j’ai interprété comme un signe de l’Esprit, le passage que je lisais dans le livre « la chasse aux enfants » de Miguel Benasayag* : je ne peux pas m’empêcher de vous le partager :

« Si un gouvernement peut expulser des étrangers, des familles et des enfants,… c’est qu’il compte avec un certain consensus social. La plupart des gens préfèrent ne pas voir,…leur accord avec ce qui se passe est passif, tacite….
Nous ne sommes pourtant pas des méchants sans âme, nous nous disons seulement …s’ils sont en train de menotter et d’expulser des gens, ça doit bel et bien être pour quelque chose…
Nous agissons alors comme de petits enfants qui, tout en s’avouant ne pas comprendre le monde, donnent tacitement à ces choses incompréhensibles une cohérence que d’autres qu’eux, adultes, seraient capables de comprendre.
Tout se passe comme si le pouvoir nous disait : « Vous avez un très gros et très grand cœur, mais vous êtes des petits, vous ne devez pas vous mêler de ces choses réservées aux grands. Les grands (le pouvoir) doivent se charger de vous garantir une vie tranquille, alors si vous vous mettez à réclamer qu’on garde les étrangers, vous ne vous rendez pas compte que vous voulez qu’on vous ôte le pain de la bouche, voire bien pire, et qu’au bout du compte, vous ne savez pas ce que vous voulez… Donc, circulez. » Et nous, comme de bons petits enfants obéissants, nous circulons… »

Ce matin, nous, qui en cette période de travaux sommes dérangés, un peu à l’étroit, comme exilés de la nef, ayons des oreilles pour entendre, des yeux pour voir, un cœur pour comprendre !
Et entrons dans cette célébration qui nous invite à rencontrer l’autre si dérangeant puisse-t-il être.

Marie-josé Lecat-Deschamps

*La chasse aux enfants de M. Benasayag, A. del Rey et des militants de RESF

• Livre de Samuel (1 S 3, 3b-10.19)
Lorsque nous avons préparé cette messe,
Ce qui nous a intrigué dans ce texte, c’est la répétition
Samuel
Samuel
Samuel

J’imagine : je marche dans la rue et j’entends :
Bernard
Je me retourne ; personne, je continue
Bernard
Je me retourne ; personne ; je continue
Bernard
Je me retourne ; personne ; inquiétude !

Et là par une curieuse inversion
C’est moi qui m’interroge

Bernard, Qu’est ce qui m’arrive ?
Qu’est ce que je n’ai pas vu ?
Qu’est ce que je n’ai pas entendu ?
Qui m’appelle par mon nom ?
Pourquoi ?


C’est la pédagogie,
La grande patience de Dieu

Bernard Sadier

• Lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1 Co 6, 13b-15a.17-20)
Que dit Paul ? « Votre corps est pour le Seigneur Jésus » « Vos corps sont les membres du Christ» « Votre corps est le temple de l’Esprit Saint ».
Mon corps, ton corps, nos corps… Si le corps d’un être humain, enfant, femme, homme, est atteint par le manque, la violence, la débauche, la torture, c’est l’Esprit qui est rejeté, humilié, bafoué ! Et nous qui écoutons cette parole sommes responsables de ce qui arrive au corps de l’autre comme à notre corps.
Mardi soir, à la permanence d’accueil des étrangers, ouverte par le RCI, avec la Cimade, dans le quartier de Belleville: dans une même pièce, quatre tables, quatre bénévoles reçoivent les personnes.
Je suis occupée à écouter un monsieur ; à la table d’à côté, Annie accueille une jeune femme, engoncée dans un anorak trop grand pour elle. Annie mène l’entretien mais très vite, elle vient me voir (en effet, nous nous concertons quand la situation d’une personne nous paraît difficile à dénouer) : « la jeune femme a 25 ans, elle est Ethiopienne, elle parle anglais, elle est arrivée à Roissy il y a trois jours, par un vol du Kenya, que faire ? » Administrativement, rien. Je rejoins Annie à sa table et nous expliquons à la jeune femme que pour le moment, il faudrait des solutions de logement, de nourriture mais que nous ne sommes pas armés pour ce type de problème. Nous donnons des adresses et puis, comme elle se lève pour partir, nous lui demandons où elle va : dans la rue.
Il est 19 h, il fait nuit, il fait froid : sans communiquer entre nous, nous lui proposons d’abord de rester au chaud jusqu’à la fermeture de nos salles.
Elle se blottit dans un coin tranquille de la salle d’attente qui s’est vidée à cette heure, nous lui offrons de quoi grignoter. A 20 h, elle veut s’en aller, rejoindre l’endroit où elle a dû passer les 2 nuits précédentes. D’autre bénévoles sont là, il n’y a plus personne à recevoir. Nous retenons la jeune Ethiopienne: comment la laisser dormir dans la rue ? Alors l’une d’entre nous décroche le téléphone, appelle le Samu Social, le 115 : numéro occupé, un disque nous demande de patienter : haut parleur, musique, en boucle. Annie cherche un hôtel proche, bloque la réservation d’une chambre à son propre nom jusqu’à 22 h 30, et en cinq minutes, nous faisons une cagnotte de 100 euros. Après une heure, le Samu répond, nous écoute, demande à parler à la jeune femme, en anglais. L’accord est donné, le camion viendra la chercher à notre adresse ! Sans nous donner le mot, nous restons là, seule Annie qui habite très loin en banlieue s’en va. Nous rangeons, nous nous occupons à chuchoter avec une sorte de pudeur. Longue attente… 22 h 30, le camion du Samu arrive, nous escortons la jeune femme jusqu’au camion et la confions au Samu Social qui va initier une demande d’asile. Nous lui donnons un n° de téléphone, si elle veut nous joindre plus tard.

Cette expérience concrète, incarnée, résonne avec les paroles de Paul : le corps de cette jeune femme avait faim, soif, sommeil, aucun de nous n’a pu l’abandonner aux risques et à la violence de la rue, de la nuit, de l’inconnu. Dans notre silence partagé, la présence de ce corps, fragile, précieux, sacré : « Corps, temple de l’Esprit » ?

Céline Dumont

 

• Evangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 1, 35-42)
Et voilà comment tout a commencé !
Les paroles de Jean-Baptiste percutent André qui veut en savoir plus et part discuter avec Jésus.
Puis André va tout raconter à son frère Simon qui, à son tour, rencontre Jésus.
Il y aura ensuite Philippe, et Nathanaël, et tant d’autres.
C’est en partageant la richesse de leur rencontre que ces hommes ont trouvé les mots pour en parler.
Que se serait-il passé si chacun avait gardé pour lui - sans en parler à d’autres - le souvenir de cette relation qui avait pourtant bouleversé sa vie ? Comment ce message aurait-il pu nous parvenir ?

Et aujourd’hui encore c’est en faisant réseau que nous pouvons dépasser notre impuissance. Un exemple : Il y a 2 ans, une amie me parle d’un jeune demandeur d’asile Afghan qu’elle accueille chez elle dans le cadre de Jesuit Refugee Service, une association implantée récemment en France.
Cette association aide des jeunes, persécutés dans leur pays, à s’intégrer chez nous. Outre des cours de français, elle propose à chacun un tuteur pour l’aider dans ses démarches, et le gite et le couvert dans des familles, chacune d’elle l’accueillant 1 mois, ou deux.
Le fait de faire réseau permet une grande souplesse ; si un des maillons de la chaîne de solidarité n’est pas disponible, d’autres prennent le relai. Chacun fait selon ses possibilités, quand il peut, le temps qu’il peut. Ce geste d’hospitalité nous fait toucher du doigt le courage de ces jeunes et nous enrichit en retour.
2 ans après son implantation en France, le réseau compte 40 familles d’accueil et 6 communautés religieuses. Il a accueilli 90 afghans, sri-lankais, guinéen, ivoirien, kurde, - qui étaient isolés ou à la rue. L’association se développe en province.

Et Dieu dans tout ça ? Eh bien je me rappelle des écrits du frère Luc de Tibhirine ; « Il ne faut pas trop parler de Dieu. Il est préférable de prêter à Dieu notre visage, notre bonté, notre sourire ».

Marie-Odile Barbier-Bouvet

En guise de méditation

Cette journée mondiale du Migrant et du Réfugié nous rappelle que chaque chrétien, chaque croyant, est un « homme en route », un pèlerin, un homme en exode, qui se met en marche, poussé par l’Esprit, vers une terre qu’il ne connaît pas encore.
Le Christ, en faisant connaître Dieu comme un amoureux de toute vie humaine, nous invite à porter sur toute réalité de migrations un regard habité par l’espérance, l’amitié, l’hospitalité et la force de la fraternité.
Forts de cette dynamique de foi, tous ensemble, en communautés vivantes et missionnaires, engagés pour nos frères en humanité, nous sommes invités à célébrer le mémorial du passage de sa mort à sa résurrection. Nous nous réalisons ainsi en frères et sœurs en partance, en éternels étrangers en quête d’avenir, en peuples migrants aux chemins incertains. Qu’à travers la pluralité de nos histoires, l’Eglise rende toujours actuelle sa rencontre avec le Christ.
Au cœur de ces grandes mutations que représente la présence des migrants, l’Evangile nous invite à vivre en peuple héritier de la promesse avec l’émigré reconduit à la frontière, à accueillir tout agressé de la vie car chaque être humain est le temple de l’Esprit.
Avec l’apôtre André, l’Evangile nous suggère de faire passer le flambeau du partage et de la rencontre. Car la rencontre du Christ est l’aube de la vie ! Son passage a croisé nos chemins. C’était un pauvre, un homme, une femme, démunis, et il nous a dit : reconnais en elle et en lui mon visage. Aucun homme n’est pour lui étranger, migrant, réfugié, sans papiers, et nul n’est si loin que tu ne puisses le secourir. Inspire-nous, Seigneur, à l’heure de choix, de décisions, l’esprit de générosité, d’hospitalité et de dévouement au service de tous nos frères en humanité.

Donatus Nduluo