Prises de paroles

 

Dimanche 23 octobre 2011
30ème dimanche

"S'il crie vers moi je l'écouterai"

Lectures
• Livre de l'Exode (Ex 22, 20-26)
• Lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens (1 Th 1, 5c-10)
• Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 22, 34-40)


Mot d’accueil.
Bonjour. La liturgie de la Parole d’aujourd’hui offre un menu qui convient à tout le monde : les habitués de cette communauté, les occasionnels et les nouveaux. Car il s’agit d’une invitation au rêve et à l’action. Rêver d’amour sachant que l’on rêve, que l’on n’y arrivera que partiellement et agir avec détermination sachant qu’il faudra recommencer après la pause - repos. Nous sommes donc invités à rêver et à agir : au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit

Jésus Asurmendi.

DOMINIQUE

Après la lecture à haute voix des lectures proposées pour aujourd'hui, un extrait du livre de l'Exode, des extraits raboutés du psaume 18 ou 17, un extrait de la lettre de St Paul aux Thessaloniciens puis de l'évangile de St Matthieu, notre tour de table des quatorze personnes présentes à la préparation de la messe a permis des échanges autour de l'amour.

D'abord pour dire que les églises en avaient souvent plein la bouche et qu'un discours mièvre ou lénifiant était introduit dans les assemblées par les chants surtout, et ressassé. A cette complaisance dans l'évocation de l'amour, qui est aussi une présentation de l'amour comme idéal, nous opposons volontiers en nous fondant notamment sur le livre de l'Exode les actes concrets de bienveillance, de compassion. Nous reprenons en somme le poète Pierre Reverdy, « il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ».

C'est pourquoi l'ordre des lectures ici au micro présente d'abord l'évangile de Matthieu et son commandement d'aimer, et dans la suite le livre de l'Exode qui entre dans quelques détails concrets, au quotidien, de ce que Dieu attend de son fidèle. Jesùs qui est bibliste souligne que le Deutéronome, série s'il en est de commandements, et le livre de l'Exode offrant des exemples concrets de bienveillance ou de compassion, se présentent dans la bible avec le même poids théologique.

L'amour, amour de tous, idéal et aussi idéalisé qu'inatteignable n'est peut-être pas sous cette forme l'objet de l'évangile de Matthieu qui par deux fois, dans la bouche des Pharisiens puis dans celle du Christ, met le terme de commandement. Le commandement d'amour demeure paradoxal, mais les deux termes commandement et amour peuvent présenter en commun un aspect concret. En grec ou en hébreux, si l'amour dont parle les Ecritures est bien un lien de personne à personne il s'apparente cependant moins au lien affectif que nous entendons à présent qu'à un lien très concret : par exemple dans le commandement « tu aimeras ton Dieu » c'est au lien de soumission d'un vassal vis-à-vis de son suzerain.

Dominique Fouilland


JACQUELINE

Le mot amour, tellement galvaudé, tellement ressassé, éculé, employé à toutes les sauces me fait peur, ce qu'il veut dire me semble impossible à atteindre, impossible à vivre. On l'affadit en raison de ses multiples usages. Je ne sais plus de quel amour on me parle. Je ne sais plus ce qu'on attend de moi et ce que j'attends de moi.

Dans l'Evangile de Mathieu il semble y avoir 3 propositions / axes / incitations / commandements (en choisir un) qui sont indissociables :
AIMER DIEU ;
AIMER L'AUTRE, LES AUTRES ;
S'AIMER SOI MEME.

- Aimer Dieu m'est très difficile, je ne le vois pas, je ne le rencontre pas, je ne lui parle pas et... est-ce que je le prie ? le connaissant si mal. Je l'appelle parfois, je lui crie mes attentes, mes espoirs, mes doutes, mes rancœurs contre le monde. Je ne sais pas parler de lui aux autres. Je ne sais pas le dire, le faire vivre autour de moi. Mais j'aime le Fils, le passeur, dont le message m'imprègne et me donne la joie d'exister avec les autres.

- Aimer les autres, l'autre (mon proche, mon voisin, mon mari, mon frère). A mes yeux aimer l'autre comporte beaucoup d'exigences pour être vrai. D'où ma difficulté à dire AIMER. Aimer l'autre : c'est l'écouter, c'est faire silence pour lui donner sa place, toute sa place , pour préserver son identité, c'est essayer de le situer dans sa vie, dans ses relations ou dans sa solitude, dans son désarroi, dans sa quête de vivre aujourd'hui, dans ses espérances, dans sa recherche de lui-même, dans ses efforts pour se réaliser, dans ses échecs, ses chutes et ses rechutes, ses souffrances et ses espoirs, ses idéaux, finalement c'est faire entrer en moi tout ce qui fait que l'autre est autre, avec ce que je peux appréhender, ce qui m'est proche et ce qui m'est étranger et plus difficile à saisir.
Chez Suicide-Ecoute on ne pouvait jamais dire « je vous comprends », mais « je vous écoute ». Cela ouvrait chez l'appelant la voie de sa parole - sa parole unique.
J'essaye d'aimer l'autre à travers toute mon attention (j'ouvre grands les yeux, les oreilles et mon cœur), à travers la bienveillance dont je suis capable, à travers le respect que je lui porte, à travers ma considération pour tout ce qui fait sa vie, j'essaye de créer un climat d'empathie qui peut faire chaud au cœur de l'un et de l'autre.
Mais est-cela aimer l'autre ? est-ce suffisant ? comment interpréter « donner sa vie pour ceux qu'on aime ? » Cela me confronte à mes limites.

- M'aimer moi-même : que d'ambivalences dans ces termes. Je me sens souvent partagée entre me considérer, m'estimer, croire que je fais des choses bien pour les autres - ce qui me donne une pulsion de vivre et d'espérer et je me sens aussi douter de ce que je donne, de ce que je partage, de ce que je fais et ce que je suis.
L'ego balance toujours entre se sentir suffisamment « bien dans sa peau » pour s'ouvrir, donner, recevoir, partager, aller au-devant de l'autre, communiquer avec lui, créer de vraies relations, et l'autre face : ne pas être sûre de soi, ne pas oser aller au-delà de ses limites, ne pas oser proposer son amitié, son aide, sa tendresse, son affection à l'autre. Alors comment aimer l'autre? Françoise Dolto dit : « Si vous n'avez pas de considération pour l'être humain que vous êtes, vous ne pourrez ni estimer votre voisin, ni l'aimer ».
Je suis souvent embarrassée par mon moi.

Jacqueline Bruas


PRIERE EUCHARISTIQUE

Un grand merci, Dieu notre Père pour nous avoir invités aujourd’hui encore à nous rassembler pour célébrer la mort et la résurrection de ton Fils, notre Seigneur Jésus. Nous te remercions pour nous avoir réveillés par ta Parole, Jésus, que nous rencontrons à l’écoute des témoins d’antan, Moïse, Matthieu et tant d’autres anonymes. Qu'elles sont vives encore ces vieilles paroles, qu’ils sont frétillants et vigoureux ces vieux textes de deux et trois mille ans qui nous parlent des émigrés exploités, des veuves et orphelins écrasés, des pauvres gens présurés par l’avidité ! Qu’ils sont vrais et précieux tous ceux qui rêvent d’amour, engloutis souvent dans les cauchemars bien réels de la misère. Qu’ils sont justes et légitimes tous ceux qui se lèvent, crient et agissent mettant en œuvre le deuxième commandement, aimant les autres comme eux-mêmes, pratiquant de la sorte le premier t’aimant toi, notre Dieu et Père. Ils sont nombreux tel le Père Joseph, créateur d’ATD quart monde dont nous avons mieux connu la vie et l’œuvre grâce à un superbe film. Qu’ ils sont nombreux, associations, mouvements, initiatives de toute sorte qui pratiquent au quotidien le plus grand commandement. Nous te rendons grâce pour eux.
Nous te remercions pour celui qui les réunit tous, l’exemple fait chair de l’amour pour Dieu et de l’amour pour les frères, le Christ, notre Seigneur Jésus. Pour Lui et par Lui nous te louons et nous te chantons.


Il est impossible que Jésus pour qui nous venons de te remercier n’ait pas rêvé. Il est impensable que son horizon n’ait pas été large, clair, ouvert et généreux. Mais il est certain, et nous le savons, que son itinéraire, son chemin, son quotidien a été une vie de gestes, de faits et d’action en vue d’une libération de tous les opprimés, exploités et enchainés. A tel point qu’il en est mort. Pas une mort mystique, spéculative, livresque, imaginaire, idéologique. Non, une mort en chair et en os. Comme sa vie. En Lui se sont articulés l’action et le rêve, la mort et la vie. Et tu lui as donné, Dieu, notre Père, le triomphe de la Vie pour toujours. C’est par l’Esprit que tu as réalisé cette transformation radicale. C’est ton Esprit que nous te demandons pour qu’il continue son œuvre et qu’il fasse de ce pain et de ce vin, les signes de sa réelle présence parmi nous, le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus.

C’est pourquoi nous faisons ce qu’il a dit : le mémorial de sa vie, de sa mort et de sa résurrection : le rêve et l’action, l’action et le rêve. C’est pourquoi aussi nous l’attendons.
Et si l’on rêvait d’action ? Si nous suivons ton Fils nous ne pouvons que répondre par l’affirmative. Notre rêve s’appelle l’Esprit Saint, notre action se nomme l’Esprit Saint. Donne-le nous encore pour que tous ceux qui partagent le repas du Seigneur, le Corps et le Sang du Christ soient un, unis dans nos différences, soudés dans la communion, le respect et la liberté de tous.
Nous te prions pour que l’Esprit d’Assise imprègne de plus en plus la tête et le cœur de tous les croyants. Nous te prions pour que ces accouchements que nous contemplons aujourd’hui devant nos yeux, en Lybie, en Syrie, au Pays Basque, en Birmanie, en Tunisie et ailleurs enfantent bonheur, paix et liberté pour tous.

Jésus Asurmendi.

Prière finale.
Notre célébration s’achève, Dieu notre Père. St Paul écrivait aux chrétiens de Thessalonique : « à partir de chez vous la parole du Seigneur a retenti et la nouvelle de votre foi en Dieu s’est bien répandue partout ». Nous te demandons que le rêve que tu nous as donné retentisse partout et que l’action de notre foi se répande comme le soleil. Et que nous en soyons les témoins. Nous te le demandons par Jésus, notre Seigneur..

Jésus Asurmendi.