Prises de paroles

 

Dimanche 11 septembre
24ème dimanche ordinaire

"Pardonner soixante dix fois sept fois!"



Lectures
• Livre de Ben Sirac le Sage (Si 27, 30- 28,7)
• Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (Rm 14, 7-9)
• Evangile (Mt 18, 21-35)

Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur s’obstine, disait Ben Sirac. Des abominations, guerres, oppressions, répressions, massacres et attentats engendrant exodes massifs et famines, nous en voyons tous les jours à travers le monde. Certes, ce n’est pas nouveau, mais nous en voyons tant que cela risque de devenir banal et de passer inaperçu. Pour des raisons d’anniversaire, je n’en évoquerai que deux aujourd’hui. Le 11 septembre 1973, Pinochet a inauguré un quart de siècle de terreur et de mort au Chili. Le 11 septembre 2001, l’attaque contre New York amène en représailles les guerres d’Iraq et d’Afghanistan suivies d’innombrables attentats meurtriers et d’atteintes à la dignité humaine. Notre monde s’obstine à régler les conflits avec brutalité, à lutter contre les « barbares » en oubliant que le barbare, comme le disait Lévi-Strauss, est celui qui invente l’idée de barbarie.
Comment tourner le dos à toute cette barbarie ? Ben Sirac nous dit de ne pas garder rancune et Jésus enjoint de pardonner 70 fois 7 fois. Ne pas garder rancune n’est pas évident, pardonner ne va pas de soi, mais pardonner 70 fois 7 fois! Serait-ce de la folie ? Pourquoi pardonner ? Qu’est-ce que pardonner ? Pardonner, ce n’est pas nier les conflits, ce n’est pas excuser toutes les injustices, ce n’est pas absoudre les tyrans. Ce n’est pas non plus faire fi du droit et de la justice, au contraire, l’un des rôles des tribunaux est de bloquer l’engrenage infernal des vengeances. Accepter de pardonner, c’est proposer de faire un pas vers l’autre. Pardonner rend libre, refuser de pardonner ou refuser le pardon enferme dans la rancune et c’est, je crois, cet état que symbolise le châtiment du mauvais serviteur. Si le pardon est, comme l’amour, une manière de se rendre dépendant de l’autre, il ne saurait y avoir dépendance sans interdépendance. Nous nous souvenons bien de ce que nous avons à pardonner, mais nous oublions plus souvent qu’il ne le faudrait toutes les paroles ou les actions que nous avons à nous faire pardonner.
Lorsque la volonté de vivre malgré ce qui s’est passé est assez forte, tout peut arriver. Peut-être avez-vous lu dans « La Vie » l’histoire de Phyllis Rodriguez et Aïcha el-Wafi mères respectivement de Greg mort dans l’une des tours et de Zacarias terroriste condamné à perpétuité. Elles se sont rencontrées. Elles ont tissé les liens d’une certaine amitié et disent : « Les relations entre le monde musulman et les Etats-Unis s’améliorent par des moyens dont les médias parlent peu. » C’était inespéré. Le pardon est vraiment un pari sur l’avenir.
Tout à l’heure, lorsque nous dirons « Pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » nous aurons une pensée amicale tout particulièrement pour tous ceux avec qui, à tort ou à raison, nous croyons avoir un différend. Maintenant, nous allons garder une minute de silence pour toutes les victimes du « non-pardon »

Hubert Lassus

Cet Evangile est d’actualité, avec ce que nous connaissons des atrocités des guerres, des violences, des haines entre les hommes, et dans nos sociétés. Ce n’est pas noircir le XXIe siècle ou avoir un regard pessimiste. C’est juste se laisser interpeller par cette page d’évangile de Matthieu qui nous conseille, qui nous propose, qui nous donne de voir la force du pardon. Ici, il ne s’agit pas d’entendre les nombres comme s’il était question de quantifier le pardon. « Pardonner sept fois, c’est déjà atteindre la perfection, puisque le chiffre sept dit la plénitude même de Dieu » (Eric BOONE).
La question de Pierre porte sur une espèce de minimum vital : combien de fois. Jésus va l’ouvrir à un espace infini où il l’invite à changer de vision. La parabole qu’il raconte sert de cadre à ce changement : il ne s’agit pas de pardonner pour être un type bien, pour faire juste mesure, il s’agit de pardonner parce que Dieu est miséricordieux. C’est sur son pardon reçu que se fondent nos pardons donnés.
Dans les témoignages bibliques, pardon ne va pas sans les mots de « vérité » et « justice », ni guérison et libération : car accueillir le regard de Jésus sur mes blessures et mes doutes va me mettre dans la vérité sur moi, sur Dieu et avec les autres. Aujourd’hui, Jésus veut nous faire ouvrir à un absolu qui transcende et renvoie à tous nos comptes d’apothicaire, à de la paille. Le pardon n’est pas affaire de mesure ; il est don au-delà de tout don et de tout calcul. C’est une entreprise de longue haleine dont Dieu nous donne la grâce, même les derniers mots de Jésus sur la croix sont des mots de pardon. Entrer dans l’esprit de cette page d’évangile, c’est prendre la route du pardon pour entrer dans celle de l’amour, d’autant plus que l’amour prend patience et se donne toujours pour la pleine vie.

Donatus Nduluo

Louange à toi, Dieu vivant, plein de tendresse et de miséricorde. Nous voulons te rendre grâce pour ta parole entendue qui nous rend capables de mieux vivre l’exigence de pardon infini que ton Fils nous propose.
De dimanche en dimanche, tu nous révèles ton cœur. Ton pardon nous apprend à pardonner et nous appelle à vivre dans l’amour. Tel est l’appel à vivre réconciliés les uns avec les autres, réconciliés avec nous-mêmes.
Fort de cette confiance que tu nous fais, et qui nous rend capables de changer et de t’aimer, nous voulons, avec tous les artisans de paix, et tous les saints, te rendre grâce en proclamant que tu es saint !

En faisant mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, nous voulons ce matin te rendre grâce pour ta fidélité et ton amour sans mesure. Alors que Pierre pensait faire preuve de magnanimité en évoquant un pardon renouvelé sept fois, tu fortifies toute la communauté d’Eglise, le Pape et nos évêques, par l’exigence du pardon (jusqu’à 70 fois 7 fois). Oui Seigneur, c’est en acceptant de croiser ton regard dans le visage de chaque frère, que nous portons l’aurore du pardon. C’est en accordant justice et charité que nous pouvons faire renaître notre terre de ses conflits interminables, surtout en ajustant nos pas sur ta fraternité.

L’Evangile nous appelle à aimer et à pardonner inlassablement. C’est ce que nous avons à vivre de plus difficile dans notre vie chrétienne. Fais de nous des hommes et des femmes au cœur de chair. Donne-nous, à la suite de la Vierge Marie et de tous les saints, nos aînés dans la foi, de répondre à ta confiance et de témoigner des valeurs de l’évangile. Nous serons ainsi fidèle à ton Fils Jésus qui a été jusqu’au bout de l’amour, maintenant et pour les siècles des siècles.

Donatus Nduluo



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