Prises de paroles

 

Jeudi saint 21 avril 2011


Accueil

Entrez, prenez place, la table est mise, vous êtes ses invités.
La cuve est pleine, le linge est prêt.
Au menu ? Faire mémoire.
De quoi au juste ?

Mémoire d’une libération, face à la violence de l’esclavage.

Mémoire de 2 gestes.
Que fait Jésus ? Il lave les pieds de ses amis, et leur partage le pain et le vin.
Il donne par avance ce que les hommes veulent lui prendre, sa vie.
Deux manières de dire jusqu’où peut aller son amour pour les hommes : « Il les aima jusqu’au bout ».

Mémoire d’un « faire ensemble », d’un « faire les uns pour les autres » qui crée la communauté.
On ne construit rien sans mémoire, et la foi en Jésus-Christ n’existe aujourd’hui que parce qu’elle a su faire mémoire.
Au cours du repas, Jésus achève un passé pour ouvrir une histoire nouvelle.
Il déplace le sens du mémorial nécessaire mais figé, en le rendant Vivant :
Lui s’est fait serviteur, Lui a tout donné, Lui nous montre le chemin, la vérité et la vie.

Entrons dans ce « faire ensemble pour célébrer la Pâque du Seigneur et suivons le chemin qu’il nous trace…

C’est à nous de prendre sa place aujourd’hui pour que rien de lui ne s’efface.

Bernadette Capit - Claire Saconney

Après la lecture d’Exode chapitre 12, versets 1 à 8 et 11 à 14
Le récit de la première Pâque est le récit de la libération d’un peuple sous le signe de l’agneau. Fêtons donc la libération de ce peuple en marche, nos pères dans la foi.
L’Église a choisi dans le texte de l’Exode le détail de la préparation de l’agneau pascal, mais, à la fin de l’extrait, je suis arrêté par ces lignes, et là je ne comprends plus très bien:
« C’est la Pâque du Seigneur. Cette nuit-là je traverserai le pays d’Égypte, je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte, depuis les hommes jusqu’au bétail. (…) Je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Égypte. »
Car il s’agit aussi du récit de la dixième et dernière des plaies d’Égypte. Pour libérer son peuple, Yahvé a envoyé précédemment des sauterelles, des grenouilles, des moustiques, la mort du bétail et la grêle…mais Pharaon est resté inébranlable. Alors Yahvé frappe les premiers nés des Égyptiens, et la suite du texte rapporte que tous seront exterminés, aussi bien le premier né de Pharaon que celui de la servante et jusqu’au premier né du captif dans sa prison. « Il n’ y avait pas de maison où il n’y eût un mort. » Alors le tyran, effrayé, cède enfin au Dieu de Moïse et libère le peuple.
Ainsi, la merveilleuse image de la libération d’un peuple est mêlée à celle d’un massacre d’innocents. Et c’est de cette libération et de ce massacre que nous sommes appelés à faire mémoire ? Nos Bibles sont très avares de notes au bas de cette page.
On nous dira que c’est une histoire vieille de plusieurs dizaines de siècles, qu’il s’agit du Dieu de la première alliance. Mais sans céder à un concordisme réducteur, en lisant ce texte de l’Exode je ne peux m’empêcher de penser à l’actualité de ce jeudi saint d’avril 2011. Cette actualité c’est les tremblements de terre et les déluges au Japon, c’est la pollution de régions entières où certains sont prêts à voir un signe de Dieu. C’est aussi les règlements de comptes en Côte d’Ivoire et ce massacre de milliers d’innocents qui accompagne les printemps arabes et la chute des tyrans.
Alors de quoi, de qui, de quel Dieu sommes-nous appelés ce soir à faire mémoire ?

Jean Verrier

 

La lecture des textes du Premier puis du Second testament de ce soir nous invite à passer
Du faire mémoire au faire mémoire de lui

Ainsi de pouvoir passer de l’obéissance à un impératif divin que le peuple d’Israël chaque année, à date fixe, érigera en mémorial, comme une exigence patrimoniale pour la communauté

A une invitation pressante de Jésus à ses amis, fidèles ou traitres à la fois, ceux qui se pensent purs et aux autres, aux hommes et aux …femmes qui le suivent ;
Bref à l’humanité entière, d’hier et de maintenant
pour poser et réitérer à n’importe quel moment et en tout lieu
des gestes sans cesse fondateurs et sans cesse renouvelés jusqu’à ce qu’Il revienne.

Faire mémoire de lui,
C’est donc associer étroitement l’engagement envers les autres et l’action de grâce adressée au Père,
lier au même bois l’amour, la reconnaissance et le service.
Car il n’y a pas de partage du corps du Christ sans partage du pain quotidien, pour reprendre l’image de notre prière commune,
Pas de transmission fraternelle de la coupe sans souci agissant de la fraternité.

Faire mémoire de lui
C’est moins se souvenir du passé que de rendre présents et actuels ses paroles et ses actes, pour ouvrir et sauvegarder notre avenir.
A travers la fraction du pain et le lavement des pieds nous ne faisons pas mémoire d’un évènement, non !
Nous faisons mémoire du Vivant
Afin de pouvoir continuer à être nous-mêmes des vivants.

« Pour que rien de lui ne s’efface » jamais.

Alain Cabantous

« Faîtes cela en mémoire de moi ! »

« Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » Tout est dit (nous le symbolisons avec cette bassine et le torchon). Le Maître se fait serviteur, agenouillé devant ses frères, les hommes. Son geste au cœur de l’humanité scelle l’Alliance avec les disciples, de tout horizon et de toute tendance.
Depuis le temps ancien (« ce jour-là sera pour vous un mémorial ») jusqu’au temps nouveau (« Faites cela en mémoire de moi ! »), c’est toujours au triple mouvement que nous sommes invités : aimer, donner, servir. Jésus ne fait pas semblant, mais va jusqu’au bout de l’amour pour les siens. Telle est la profondeur son geste par lequel, au cours de ce dernier repas, il nous ouvre à ce qui nourrit l’homme et le fait vivre : l’amour, le don, le service. Parce que l’amour des autres nous fait d’authentiques disciples ; la vie prend tout son sens que lorsque, tournée vers les autres, elle se donne et le service nous fait avancer sur le chemin d’humilité. Vivre ainsi nous rend le Christ présent à nos gestes de partage et de solidarité. Alors, « Faîtes cela en mémoire de moi ! » ne se limite pas à une parole donnée, ni à un geste posé dont on se souvient aujourd’hui, mais c’est notre liberté et notre vie.

Donatus


En guise de méditation

Oui, Père très saint, c’est notre joie de chanter ta grâce en ce jour où, ensemble avec toutes les communautés chrétiennes, nous faisons mémoire du repas où Jésus s’est offert à toi comme l’Agneau immolé.
Il est ta Parole donnée, engagée pour la vie de tout homme. Une Parole qui continue de venir inscrire au plus profond de nous-mêmes le nom d’un Dieu qui se donne, gratuitement, qui n’attend pas que nous soyons « en règle ».
Accorde-nous Seigneur à ton Eglise, au Pape, à notre Evêque André et à chaque baptisé, de faire mémoire de toi par le témoignage d’une vie fraternelle. Car aucun geste n’est plus grand que celui par lequel il s’abaisse, lui le Seigneur et le Maître devenu serviteur. Et c’est ton cœur qu’il nous révèle à travers ce chemin de service.

Tu nous as aimés jusqu’au bout…plus loin qu’aucun être humain n’a jamais aimé, aussi loin que tu pouvais aller, toi dont l’amour est sans mesure. Tu nous as aimés jusqu’au bout…jusqu’à l’extrême de la souffrance, jusqu’à l’extrême de la joie. Tu nous as aimés jusqu’au bout…car Dieu ne sait pas aimer autrement, Dieu n’est Dieu qu’en aimant infiniment. A cette heure où tu nous dis ta confiance et ta fidélité, nous confions à ta bonté miséricordieuse tous ceux et celles qui ont quitté ce monde, reçois-les dans ta joie vivifiante.

Seigneur, nous sommes autour de cette table où tu nous rassembles, comme tu l’as fait au dernier soir, juste à cette heure où tu vérifies et poses en actes tout ce que tu as annoncé. Autour de cette table…lieu de transmission, lieu pour se réconforter et pour s’en remettre à l’amitié des siens, un lieu pour puiser l’amour ! Apprends-nous, à la suite de nos aînés dans la foi - la Vierge Marie, les Apôtres et les Saints - à nous mettre en tenue de service pour cette heure pascale toujours renouvelée dans nos vies qui nous invite à nous mettre en route : avec aux reins la ceinture d’une foi audacieuse, aux pieds les sandales de patience, courage et de paix, à la main le bâton de ton amour qui engage l’homme dans l’avenir, porteur de la Résurrection pour les siècles des siècles.

Donatus

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