Prises de paroles

 

Mercredi des Cendres

09 mars 2011

L’Evangile du Mercredi des Cendres est très célèbre (Matthieu 6/ 1-18). Il a été utilisé par des générations de catéchistes pour traumatiser les petits enfants : « Dieu voit tout ce que tu fais dans le secret, donc quand tu tires les cheveux de ta petite sœur il te voit… ». Cette manière de traiter l’évangile (et les enfants !) nous empêche de le comprendre.

Même si la leçon d’humilité et de discrétion est à retenir, l’évangile est rarement moralisant. Plus sérieusement la question que pose Matthieu est fondamentale : c’est quoi être chrétien ? Il la pose dans le contexte juif de son époque, mais elle vaut pour nous aujourd’hui.
Matthieu reprend les trois obligations de la loi juive : aumône, prière et jeûne. Et il les adapte aux chrétiens. Passons vite sur le jeûne, placé en dernier, après la prière chrétienne par excellence : le Notre Père. Paradoxalement, par rapport à ceux qui se donnent en spectacle par des mines déconfites, il faut quand même se donner en spectacle, mais en faisant la fête ! Jésus, et donc les premiers chrétiens à sa suite, ne semble pas avoir accordé une place importante au jeûne. Il excuse ceux qui l’oublient, il leur demande de remettre cela à plus tard, quand il ne sera plus là… C’est pour lui comme pour les prophètes, un rite ambigu.

C’est la première obligation qui est la plus importante. Mais dans sa parole elle change de nature. Il faut la trouver dans ce qui est une image, la « chambre secrète » dans laquelle nous avons un échange « personnel » avec Dieu. Cette chambre c’est nous-mêmes, c’est notre vie intérieure. Le cœur de notre foi c’est que le commandement d’aimer Dieu seul s’incarne en nous dans l’amour du prochain. On passe d’un amour de Dieu qui est extérieur à un amour du prochain qui vient de l’intérieur, qui vient de nous. Nous sommes l’amour de Dieu pour les autres, rien que cela ! Et le prochain ce n’est pas (que) notre frère, notre ami, notre collègue, c’est « n’importe qui ». Cela peut être tout le monde. C’est celui qui a besoin de nous. Besoin de ce qu’il faut pour vivre, des moyens de vivre auxquels nous pouvons pourvoir ou aider à trouver, ou besoin de vivre « en homme ». Aider les hommes à vivre en hommes… en une seule famille humaine. Cela va jusqu’à dire que le prochain c’est tout le monde, c’est à dire tous les hommes ! L’amour de Dieu qui passe par nous est d’emblée universel. L’Église n’a pas pour but elle-même, de se développer elle-même. Elle a pour but de donner à tous les hommes l’amour de Dieu en incarnant cet amour dans l’amour du prochain… dont d’ailleurs elle n’a pas l’exclusivité ! Nous ne sommes pas les seuls à aimer les autres !
Ayons donc ce double regard sur le monde : savoir discerner les faiblesses, les manques et les détresses autour de nous, mais aussi les merveilles que l’Esprit accomplit déjà sans nous…

Le paragraphe sur la prière est clair dans la mesure où il s’achève sur le Notre Père. Cette prière est l’expression de notre liberté, qu’est-ce qu’on n’ose pas dire ! Cette prière est l’expression de notre gratuité, on ne compte pas le bonheur d’être fils de Dieu..

Jacques Merienne




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