Prises de paroles

 

Dimanche 9 janvier 2011
Baptême du Seigneur

"En lui j'ai mis tout mon amour"

Lectures
• Livre d'Isaïe (Is 42, 1-4.6-7)
• Livre des Actes des Apôtres (Ac 10, 34-38)
• Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 3, 13-17)

Introduction
"Nous célébrons aujourd'hui le Baptême du Seigneur. L'Evangile de Mathieu nous en fait le récit. Il présente ce baptême comme l'acte, nécessaire et irrésistible, d'un Serviteur que ce passage du baptême va révéler, dans une intimité mystérieuse avec Dieu, comme son Fils bien aimé : " en lui j'ai mis tout mon amour" dit la voix céleste du récit de Mathieu.

Comment ce baptême de Jésus résonne-t-il pour nous aujourd'hui? Baptisés ou demandeurs du baptême, nous nous inscrivons dans les pas du Christ. Au début de cette célébration, prenons un temps, accompagnés par l'orgue, pour ré-interroger cette plongée dans l'eau baptismale qui nous fait nous reconnaître comme des enfants de Dieu serviteurs de sa Justice."

Marc Saint-Raymond

Nous sommes encore dans l’ambiance de Noël, de l’Epiphanie, nous quittons l’enfant à peine né et nous voilà déjà une trentaine d’années plus tard. Trente ans dont nous ne savons rien.
Le jeune homme qui paraît sur les bords du Jourdain se heurte à une première résistance. Celle de Jean-Baptiste qui ne comprend pas ce qui lui est demandé : pourquoi lui faut-il plonger en dessous de lui et enfoncer au plus bas dans les eaux, celui qu’il a annoncé comme « plus fort et plus grand que lui » ? Cette rencontre est pour lui une remise en question, et cette demande contrarie la façon dont il a imaginé son rôle. Il doit donc laisser faire. On dirait presque que ce baptême se fait sans lui.. Ce qui se passe lui échappe complètement: Jésus remonte des eaux et aussitôt les cieux s’ouvrent : un autre espace s’ouvre pour lui, immense.

Matthieu ne dit pas que Jean-Baptiste aperçoit l’Esprit de Dieu descendre du ciel comme une colombe mais que seul Jésus le voit. L’Esprit ne peut se voir : c’est du souffle, du vent. Ce n’est même pas une colombe, c’est « comme une colombe »… On ne sait pas ce que c’est et ça ouvre les cieux, on ne sait comment.
Par contre, tous peuvent entendre la voix qui désigne le Fils comme le bien-aimé. Jean criait dans le désert mais ici, au contraire, une voix claire se fait entendre.
Comme au matin de création, quand l’Esprit planait sur les eaux de la Genèse et que Dieu disait et que ça se faisait : maintenant, il dit « fils» et un Fils est là. L’Esprit touche terre ici : le ciel commence ici, il se donne sur ce visage, en ce corps.
C’est une scène inimaginable pour nous et c’est peut-être pour cela qu’elle nous est seulement donnée à entendre.

La voix ne dit pas à l’avance ce que le Fils aura à vivre. Elle lui ouvre un chemin inconnu. Tout de suite, en effet, après ce baptême, l’Esprit pousse Jésus dans l’insécurité du désert, là où, comme par hasard, l’épreuve portera sur le mystère de sa filiation : par trois fois, il lui sera suggéré : « Si tu es fils de Dieu, montre-le dans la toute-puissance ».
Cette voix qui appelle Jésus « fils bien-aimé » se fera à nouveau entendre au moment de la transfiguration, juste avant la passion, aux jours de plongée dans l’épreuve, quand les disciples, et Jésus lui-même, auront toutes les raisons de douter de cette filiation.

Quand il ressort du Jourdain, Jésus doit aller sa route, prendre le chemin peu glorieux du serviteur annoncé par Isaïe. Il ne trouvera la force d’aller par là, sur ce chemin de faiblesse, que s’il parvient à s’appuyer sur cette voix entendue, sur cet amour et cette joie qui le fondent, à se mettre dans ce souffle qui le pousse.

Ce baptême, c’est pour Jésus comme une nouvelle sortie des eaux amniotiques, la naissance à son propre mystère.
Cette découverte de qui il est ne s’est pas faite en un jour mais peu à peu : il a pris progressivement conscience, en son humanité, du lien unique qu’il a avec celui qu’il appelle «Père, Abba ». Tout Fils qu’il est depuis le commencement, il lui a fallu le découvrir petit à petit, y croire et s’aventurer dans cette relation inouïe.
La profondeur d’une telle découverte, au creux de sa vie d’homme, nous laisse au bord de l’inconnu: nous savons seulement que nous y avons part, obscurément.
Par notre baptême, dans la nuit inconsciente de l’enfance pour beaucoup d’entre nous, nous avons été plongés, à notre tour, dans les flots de ce mystère.

Claude Plettner

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