Prises de paroles

 

Jeudi Saint 1er avril

"Ceci est mon corps pour vous"

Bonsoir et bienvenus à tous, amis de passage, de la paroisse et du centre pastoral Halles -Beaubourg.

Ce soir, la table dressée est large car le nombre des invités dépasse ce que nous pouvons imaginer. La nourriture est donnée, nous n’avons qu’à la recevoir, qu’à accepter de la recevoir.

De la tradition de l’Eglise sur le dernier repas du Seigneur, nous recevons à la fois cette parole incroyable de Jésus « Ceci est mon corps, qui est pour vous », et son geste inouï de laver les pieds de ses disciples.

Entre dimanche des Rameaux et vendredi saint, où nous faisons mémoire de la mise à mort de Jésus, innocent, le jeudi saint nous invite à passer de l’interrogation « Pourquoi cette mort ? » à celle-ci « Pour qui ? ». La mémoire du passé qui nous constitue se vit dans l’aujourd’hui de nos relations.

C’est à nous de prendre sa place aujourd’hui, de prendre la tenue du serviteur, pour que rien de lui ne s’efface.

Alain ou Bernadette
C’est à nous de prendre sa place aujourd’hui, pour que rien de lui ne s’efface

Eliane Brouar

Lectures
Exode 12, 1-8, 11-14
Corinthiens 11,23-26
Jean 13,1-11

Le récit du lavement des pieds par lequel Jean remplace, au cœur du dernier repas le récit de l’institution eucharistique nous donne le sens de ce pain partagé : nous aussi nous sommes appelés à donner nos vies et à les donner à travers le service. C’est ici que conduit la libération racontée dans le livre de l’Exode.
En relisant ces textes lors de la préparation de cette célébration, nous avons été frappés par l’omni présence du corps. Corps qui mange l’agneau pascal, « la ceinture aux mains, les sandales aux pieds, le bâton à la main », pain partagé par Jésus, pieds que Le Seigneur lave lui même.
Comment à ce propos ne pas évoquer ici Lucian Freud dont les toiles, exposées à Beaubourg en ce moment, nous plongent dans cette chair qui nous constitue, avec justement ces pieds gonflés, torturés, qui expriment toute la pesanteur humaine…
Je crois que c’est ça l’incarnation : cette façon de nous prendre tout entier, en bloc, loin des envolées spirituelles. Le culte du corps qui est répandu dans notre société peut alors prendre un sens positif: le corps n’est plus objet de consommation, amorce de toutes les convoitises ; il devient partie prenante de notre projet de donner corps à notre vocation de Fils, chacun unique et chacun fait à l’image de Dieu
Paradoxalement, le développement de la société virtuelle et la fascination qu’elle exerce pourrait nous faire oublier l’importance de la relation physique…mais au final, c’est avec notre corps et par lui, à travers sensualité ou répulsion, détente ou nervosité, que nous exprimons notre amour ou notre sympathie. Notre corps en manque nous dit le besoin de l’Autre, c’est par lui que nous pouvons désirer, recevoir et donner, échanger avec l’autre en ce qu’il a d’unique.
De même qu’en amour on ne peut prendre le corps de l’autre mais seulement en recevoir le don, de même on ne peut, dans le service, imposer son don aux autres sans rien attendre en retour, sous peine de tomber dans la domination. L’amour vrai est libre échange et réciprocité. Le dialogue entre Pierre et Jésus nous montre l’importance de cette acceptation.
Pendant la célébration eucharistique nous allons nous efforcer d’associer nos gestes, nos corps, à ce que nous célébrons.

Martine Roger-Machart

A propos de l’Exode et de la lettre aux Corinthiens
C’est l’histoire d’un peuple écrasé, exploité, au bord du gouffre de la mort.
C’est l’affaire d’un cri au secours dans la nuit, dans le désespoir du dernier souffle.
C’est la fête d’une libération, c’est le repas de l’inouï qui arrive, c’est l’ivresse de la vie trouvée.
C’est le programme d’un engendrement à accomplir, d’un enfantement à vivre, d’une plénitude à expérimenter.
Aujourd’hui. Ici et maintenant. Tous et chacun.

Offertoire

Voici le pain, pour qu'il devienne ton corps.
Par le lavement des pieds tu nous dis aujourd'hui l'importance du corps et du service.
Aide-nous à être sensibles aux autres, à prendre soin des membres de l'humanité sans discrimination, au de-là de nos peurs ou de nos indifférences.
Aide-nous à donner corps à ce que nous voudrions être en générosité et en amour."

Thérèse Garnier

Voici le vin, joies et larmes mêlées qui deviennent ton sang.
Avec tellement de tact et de liberté, tu as pris soin des malades et même touchés les soi-disant maudits. Quand notre corps est cabossé ou blessé, ou assoiffé de tendresse, quand nous doutons qu'il est sacré, apprends-nous à refuser les gestes qui abîment, à recevoir ceux qui relèvent, à oser ceux qui sont justes.
Voici notre monde, toi qui élargis nos horizons.
Nous te confions toutes ses richesses, toutes ses promesses : il a tellement besoin que ses beautés soient reconnues.
Nous te confions aussi tous ceux qui dépensent toute leur énergie pour leur survie jusqu'à ne plus avoir de force pour quoi que ce soit d'autre. La faim gagne du terrain sur la planète. Comment ton pain livré nous laisserait-il résignés ? Seigneur, à l'aide... que nous sachions quoi faire !Voici nos vies, qui prennent source en la tienne. Voici nos mains, nos coeurs, nos corps tout entiers.
Tu te donnes à nous, Seigneur, sans réserve. Et ta manière de donner ne surplombe jamais. Au contraire, elle est pleine de désir de rencontre, de réciprocité. Que nous sachions nous engager, que nous sachions donner de notre personne mais aussi, mais surtout recevoir et nous émerveiller.

Alexandra Negre

Méditation à la manière d’une prière eucharistique
Dieu notre père, ce sont un jour et un soir particuliers, singuliers que ceux d’aujourd’hui. Car si nous te remercions souvent pour la création et pour la vie, aujourd’hui nous voulons te remercier pour le corps, pour nos corps.
Oui pour les beaux corps des hommes et des femmes, des vieux et des enfants. Pour les corps magnifiques et les corps meurtris par la maladie et l’exploitation. Pour les corps usés et les corps abusés, les corps soignés et les corps délaissés.
Nous voulons te rendre grâce pour le don du corps, pour le corps reçu. L’un et l’autre dans un échange merveilleux créent la relation, l’enrichissement, la communion et la vie.
Nous voulons te remercier particulièrement par celui qui a pris corps d’une femme comme chacun de nous, ton Fils notre Seigneur Jésus. Celui qui a dit des choses aussi inimaginables que fécondes : ceci est mon corps pour vous.
Pour tout cela, pour Lui et par Lui nous te remercions et nous te chantons.

Non seulement il l’a dit, il l’a fait. Il a donné son corps, sa personne, sa vie, son sang, son être tout entier. Pour nous. Et en rompant le pain et en versant son sang, il a dit et donné sa mort. Pour vous, pour nous. Ainsi il a gagné la vie pour tous.
Bien sûr, l’Esprit était à l’œuvre. C’est pour cela que nous te le demandons encore : que ton esprit fasse de ce pain et de ce vin le corps donné de notre Seigneur, le sang versé de ton serviteur, Jésus notre Christ.

Lui qui la veille de sa mort, en prenant le dernier repas avec ses disciples, prit du pain et la coupe de vin et en te rendant grâce dit : prenez ce pain et ce vin, mangez-le et buvez-le, car ils sont mon corps donné pour vous, ma vie livrée pour tous, l’alliance nouvelle de la libération accomplie. Faites cela en mémoire de moi.

Mémorial du corps donné, du sang versé, de la mort de ton Fils, de sa résurrection. Expression de notre espérance dans son retour. Comme il nous a dit de le faire, nous le faisons.

Mais il nous a dit aussi : vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns les autres. Là, les choses se compliquent. Prendre à bras le corps le service de l’autre, accueillir et donner, recevoir et offrir son corps et ceux des autres…Rudes tâches.
Pari impossible si nous restons seuls, sans l’Esprit qui donne corps à nos désirs, à nous engagements, aux espérances qui nous agitent. Que cet Esprit fasse de tous ceux qui partagent le repas du Seigneur son véritable corps. Une Eglise où l’on n’instrumentalise pas les corps mais on le soigne, on les sert et on les aime. Une Eglise où le service est roi, surtout pour les plus pauvres, les plus défigurés, les plus efflanqués, les moins aimés.

Jésus Asurmendi


 


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