Prises de paroles

 

"Le désert est fertile !"

Lectures
• Livre de Daniel (Dn 12, 1-3)
• Lettre aux Hébreux (He 10, 11-14.18)
• Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 13, 24-32)

Le 15 Octobre nous étions ici même pour un Forum consacré à Dom Helder Camara à l’occasion du centenaire de sa naissance et du dixième anniversaire de sa mort. Une rencontre à l’Unesco jeudi de la semaine dernière nous rappelait encore le combat de toute sa vie : son option radicale pour les pauvres. Vendredi dernier on a évoqué à l’Institut Catholique tout un groupe de personnalités qui, chacun à sa façon, partageaient avec Dom Helder le même combat. Dom Helder Camara et les autres ont été des créateurs de réseaux de consciences et d’actions, de cultivateurs de solidarités actives. Ils nous ont appris à voir et à faire.
Le mur de Berlin est tombé, d’autres s’élèvent ou résistent. Et le plus vieux de tous, le mur de la pauvreté et de la misère, est toujours là. Dom Helder a lutté contre lui au nom de sa foi en Jésus-Christ. Nous sommes réunis aujourd’hui au nom de Jésus, le Christ.

Dom Helder entre temps présent et éternité
Le livre de Daniel nous parle d’un temps de détresse et d’un temps de salut
De déchéance éternelle et de vie éternelle
De la terre poussiéreuse et des étoiles resplendissantes

Et St Marc nous parle de proximité et d’éternité
De déjà là (le Fils de l’homme est à votre porte) et de pas encore (on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées)
De maintenant et d’au-delà
De temps présent et de l’éternité sans temps

Dom Helder Camara était bien ça : homme du présent et d’éternité

Homme du présent
Profondément enraciné dans son histoire
Incarnant toutes les contradictions de son temps
Passant des disciples de Mussolini aux mouvements de libération
Du monde des décideurs à celui des plus petits
Des palais épiscopaux à la petite maison paroissiale de quartier
Passeur entre des mondes différents
Sans les opposer mais en les traversant et en les déplaçant

Mais aussi homme d’éternité
Homme d’une espérance inébranlable
Homme qui à travers son regard et ses bras toujours levés vers le ciel
Nous donnait à voir ici bas, déjà là, la tendresse de Dieu
Homme de prière, fidèle à ces rendez-vous quotidiens avec Dieu
Toutes les nuits entre 2h et 4h du matin
Il partageait avec lui toutes les déchirures accueillies dans la journée
Et célébrait toutes les chaînes brisées et les germes de nouveauté

Homme du présent et d’éternité
Veilleur de nuit, guetteur d’aube
Passeur d’alliance
Il nous invite à chacun de nous, ici même, où nous sommes
A faire cette expérience unique
Transcendantale et profondément humaine
De l’éternité qui se réalise au sein même de l’histoire.

Elena Lasida


Dom Helder
Il était là, au Palais des Sports la première fois, puis à Saint Merri, à l’Arc en Ciel, petit homme pétri d’humour et de vie, de tendresse qui pouvait aller jusqu’aux larmes, étonnant de force, de vigueur, de justesse dans sa parole et dans ses actes…Il était interdit d’antenne, condamné au silence dans son propre pays. Il est venu nous réveiller, nous inviter à lire les signes des temps, lui, converti, au contact de son peuple, à chercher la proximité du Fils de l’Homme en luttant aux côtés des plus petits… Avec lui l’Eglise est vraiment sortie de la sacristie, a mis les pieds dans la boue, est partie en pèlerinage de paix et d’humanisme sur la terre.
Que nous dirait-il aujourd’hui ? Peut-être nous dirait-il, au moment où nous venons de fêter un de ces signes des temps, le 9 novembre, avec la chute du mur de Berlin (mais c’était il y a 5 jours et, dans l’information, cela semble déjà loin, presque oublié), il nous dirait que c’est le peuple qui a fait basculer le mur : en marchant pacifiquement, avec, comme seule parole « Nous sommes le peuple » il a désarmé les fusils et réalisé ainsi ce que nul politique n’avait envisagé ainsi, la fin du communisme d’état en Europe.
Il nous rappellerait, non seulement qu’entre temps d’autres murs se sont élevés, mais que la question de l’inégalité entre les peuples et celle de la justice sociale n’ont pas trouvé de solution et se sont aggravées. Il nous inviterait à discerner, à reconnaître, à accompagner l’action de l’Esprit Saint, qui souffle en toute l’humanité, en prenant appui sur ces paroles de Jésus qui demeurent pour toujours, on pourrait dire « qui demeurent d’actualité pour toujours ».
Il nous parlerait de cette espérance que toutes les déconvenues, les obstacles rencontrés, le silence imposé, les assassinats n’ont pas su décourager chez lui. Une espérance vécue jusqu’au risque de sa vie. Il nous dirait : « le désert est fertile ». Il dirait peut-être à ceux qui aujourd’hui ont l’impression, dans leurs luttes, de vivre un temps de grande aridité : « Même la traversée du désert est féconde ».

Jean Claude Thomas

 

Méditation à la manière d’une prière eucharistique.
Si chaque dimanche tu nous invites à la table de ton Fils, Dieu notre Père, et que nous te remercions pour tous ce que nous recevons de toi, jour après jour, aujourd’hui nous voulons te remercier avec des tonalités particulières.
Réunis que nous sommes pour célébrer la mort et la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ à l’occasion du centenaire de la mort de Dom Helder Camara, nous voulons te remercier pour lui, témoin qu’il a été du désert fertile, de la parole qui réveille et dynamise, du geste qui entraîne, de l’engagement qui nous met en marche dans son sillage. Nous te remercions pour lui comme exemple et échantillon de tant d’autres hommes et femmes, connus ou inconnus, qui ont fait de leur vie une chanson d’amour, en paroles et en actes, une hymne au service des autres, surtout des plus pauvres. Mais beaucoup de ces hommes et de ces femmes et Dom Helder en premier, on fait de leur vie un concert joyeux au service des autres à la suite de Jésus, ton Fils, notre Seigneur. Lui qui est passé partout en faisant le bien. Lui dont la vie ne lui a pas été arrachée mais qui l’a donnée Lui-même. Pour toutes ces lumières, pour toutes ces voix, pour toutes ces vies, pour Jésus notre Christ et par Lui nous te remercions et nous te chantons.

Ce Jésus, ton Fils, notre Seigneur, n’a pas envoyé des commandos spéciaux pour éliminer les exploiteurs. Il n’a pas guéri tous les malades de son époque. Il n’a pas consolé toutes les veuves de la planète. Il a provoqué une rupture, il a montré en paroles et en actes le chemin du serviteur. Il a créé une dynamique telle qu’il est devenu insupportable à ses concitoyens, intolérable au pouvoir, gênant et encombrant pour tous. Donc on l’a écarté, éliminé, exclu, jeté. Et on l’a exhibé sur une croix pour que les choses soient claires. C’était sans compter sur toi. Car l’opprobre suprême tu l’as changé en source de vie. En conséquence, nous te demandons que ton Esprit rende présente parmi nous cette force de vie, la vie que ton Fils, notre Seigneur Jésus, nous offre en nourriture et que ce pain et ce vin deviennent les signes de son Corps et de son Sang.
Oui, c’est le mémorial de sa vie, de sa mort et de sa résurrection que nous célébrons. Oui, nous attendons sont retour qui couronnera la communion de tous les hommes et toutes les femmes.
Dieu, notre Père, nous ne te ferons pas l’insulte de faire une revue de presse pour rappeler l’actualité. C’est plutôt notre vigilance active qu’il faut alimenter. Et notre ardeur et nos forces qu’il faut nourrir.
Fais d’abord, par ton Esprit, que tous ceux qui partagent, ici et ailleurs, le Corps et le Sang du Christ, deviennent ce qu’ils reçoivent, le véritable corps du Christ, l’Eglise des pauvres, l’Eglise de la justice, de la joie et de liberté.

Jésus Asurmendi

 

 


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