Prises de paroles

 

Dimanche 15 mars


De la liberté à l’exigence (15 mars 2009)

Coups de fouet, tables renversées, marchands chassés…Ah la sainte colère de Jésus.
Comment la comprendre ?
Car en fait les changeurs, les hommes du trafic, les vendeurs de colombes avaient tout à fait le droit d’exercer, ils rendaient sur l’esplanade du Temple un vrai service aux croyants.

Confronté au texte, je comprends ce geste de violence comme la traduction d’une abolition.
Non pas celle du commerce servile et toujours un peu illicite
Mais comme l’effacement d’une limite
Celle que tracent les hommes entre ce qui leur appartient et ce qui appartient à Dieu
Entre ce qui est du domaine des prêtres et du domaine des fidèles
Entre le permis et l’interdit, le pur et l’impur, le profane et sacré
Même si ces notions ne sont pas synonymes

Ce geste de Jésus, c’est comme la création ou la possibilité de créer un nouvel espace,
En chacun de nous, nouveau temple sans clergé,
Un nouvel espace pour l’humanité toute entière.
Espace d’une liberté où nos distinctions, nos hiérarchies ou nos ségrégations n’ont pas cours
Par ce geste d’un déplacement inouï, d’une éradication des frontières que nous traçons en permanence, Jésus nous ouvre alors à la sainteté possible.

Mais pas de nouvel espace qui reste dépeuplé
Et pas de liberté offerte sans exigence.

Qu’est-ce alors que cette exigence chrétienne complément de la liberté ?

Il me semble que cette exigence ne se décrète pas comme on le pense ces temps-ci, chez d’autres gardiens du temple, de Rome à Recife au Brésil, en faisant de l’excommunication un nouveau sésame soit avec une absence totale de discernement, soit avec un manque complet d’humanité et une bonne dose d’ignominie.

Au contraire, l’exigence chrétienne se traduit par la recherche de notre ajustement à l’amour de Dieu, à l’amour du Christ
qui passe, qui devrait passer, par la solidarité, par la justice et par l’attention généreuse des hommes les uns pour les autres.

Exigence difficile puisque elle est concrètement une proposition à vivre selon des repères bien peu valorisés dans nos sociétés alors que la crise qui frappe durement nous donne chaque jour l’occasion de la mettre en pratique un peu plus encore.

Elle est aussi une entrée à partir de laquelle la loi de Dieu, exprimée dans la lecture de l’Exode, peut s’entendre ainsi :

Si tu veux être libre, ne sacrifie pas aux idoles du profit, de l’argent, du pouvoir
Si tu veux être libre, ne jalouse pas le bonheur d’autrui
Si tu veux être libre, prends du temps pour la louange du Seigneur et le service de tes frères


C’est à l’aune de cette promesse-là que le geste, le bras levé de Jésus nous invente d’autres espaces.

Alain Cabantous