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20 mars Jeudi
saint
"Bénis soient la coupe
et le pain où ton peuple prend corps"
Exode 12, 1-8, 12-14
FAIRE MEMOIRE…
C’est le récit de la Pâques, le passage du Seigneur
au milieu de son peuple, ce grand passage de la libération de l’esclavage,
dans le livre de l’Exode que nous allons entendre.
Et il nous est demandé d’en FAIRE MÉMOIRE….
Vous allez entendre : les indications sont précises, comme pour
la recette d’un bon plat. Les lieux sont désignés,
chaque geste a son importance et son sens, même si de nos jours
nous ne le saisissons pas encore.
D’âge en âge vous le ferez… c’est pour
vous un mémorial. Il ne s’agit pas ici seulement de mémoire
du passé, de se souvenir mais de FAIRE MÉMOIRE. Le mot hébreu
que l’on traduit par mémoire est le même que celui
de la semence, la semence de l’homme , la semence de la vie.
C’est donc bien de vie qu’il s’agit ici et non de passé
et de mort.
Faire mémoire, c’est rendre vivant ce moment, ces mots de
libération, leur donner vie ici et maintenant.
Faire mémoire, c’est prendre ce que nous connaissons, sentons,
ce que nous voyons. Non derrière nous, comme un passé à
qui nous tournons le dos, mais ce qui est devant nous. Oui la mémoire
est devant nous et c’est mémoire de l’à venir
que nous faisons !
Ce qui à notre portée, devant nous offert, donné,
nous nous en emparons. Nous nous approprions ces gestes, ces mots, pour
en faire de la vie, pour aujourd’hui.
Non dans la répétition du déjà vécu,
mais pour inventer pour demain des mots, des signes porteurs de cette
mémoire dont le Christ nous a laissé la responsabilité
depuis toujours et jusqu’ à toujours.
Florence carillon
« Il a pris du pain, l'a partagé,
le leur a donné ».
Ce partage du pain, nous l'avons fait des centaines de fois. Nous lui
avons prêté nos mains, nos bouches, notre souffle, notre
voix.
Et c'est ainsi, de la main à la main, qu'il a traversé l'histoire
et nous arrive, de loin, infiniment précieux et fragile.
Car le peu que Jésus nous a laissé, c'est son geste et sa
parole, recueillis et redits par d'autres que lui. Ce soir, une nouvelle
fois, ils nous prennent tout entiers au passage…
Ce geste fait en mémoire du Christ change peu à peu notre
façon de voir : il n'y a pas, pour nous, le matériel et
un spirituel soit-disant plus élevé ou plus intéressant.
Depuis la fraction du pain, le charnel dit le spirituel et le spirituel
dit le charnel : le Christ a lié sa présence, à nos
corps, à notre présence physique ensemble en son nom.
Il s'en remet à ce qui se passe entre nous, au corps que nous formons,
à notre échange fraternel, pour que sa présence ne
s'effondre pas dans l'oubli…
Le peu qu'il nous a laissé pour le faire connaître, dépend
de l'amour dont nous sommes capables les uns avec les autres.
Plus encore : il a lié sa présence au soin que nous prenons
de la
chair de l'autre, de celle du moins que rien, au service de l'homme en
perdition...
Si nous n'idéalisons pas la vie spirituelle, et si nous pressentons
qu'elle se joue là, nous n'idéalisons pas non plus la vie
fraternelle.
Saint Luc ne nous cache pas que le dernier repas de Jésus a été
mouvementé : il y a eu la trahison de Judas, de Pierre, des luttes
d'influence, des résistances, une dislocation chez les disciples.
Pour nous aussi la vie fraternelle est une épreuve, une traversée
de crise. Elle nous passe au crible quand elle demande notre confiance
mutuelle sans cesse renouvelée...
La vie fraternelle nous est une joie mais aussi un endroit de déception.
Elle n'a rien de naturel.
Sans le don que le Christ nous fait de lui-même et sans l'accueil
de ce don par chacun d'entre nous, notre communion ne tient pas.
Nous recevons de sa vie livrée de pouvoir aimer dans son style
à lui, de devenir des seigneurs en amitié…
Finalement, l'amour chrétien et la foi en la résurrection
se ressemblent : ils sont tous deux un doute surmonté, la traversée
d'une mort, le surgissement parmi nous d'un impossible.
Il nous est donné de nous y fier et d'en vivre.
Aimer à la façon du Christ et nous fier à son relèvement
parmi
nous, c'est pareil :
« Nous savons, dit Saint Jean, que nous sommes passés de
la mort
à la vie parce que nous aimons nos frères. »
claude plettner
Père
c’est le printemps !
Une lumière plus chaude visite notre vie
elle visite la brève éternité de notre vie humaine
Oui, éternelle est sa brièveté
Le resplendissement de Dieu s’est aventuré dans la vie d’un
Galiléen
Maintenant nous savons qu’on ne peut rien savoir de plus de Toi
que ton Fils
Tout ce qu’on peut saisir de Dieu tient dans l’épaisseur
d’une expérience humaine
Ce que Dieu a de visible a été la vie de l’un d’entre
nous
a-t-il bien vu toute notre vie
et en lui Dieu a-t-il vu tout homme, toute femme,
a-t-il vu chacun de nous ?
Est-ce qu’il n’est pas allé lui-même au loin
entendre les coups sourds des flots contre le rivage
entendre les cris des estropiés abandonnés au bord des chemins
entendre les pleurs secrets de ses amis au bord des tombes
Ce soir il guette dans le cœur des traîtres
les pas des soldats et le bruit des armes
dont il ne veut pas
il ne te parle pas comme un Dieu
il ne nous parle pas comme un Dieu non plus
mais comme un homme, un homme simple
Ce qu’il nous donne ne coûte pas cher
il ne nous fait pas payer pour sa vie
il la donne comme on verse à boire
il la donne comme dit « comment ça va ? »
il la donne comme on dit « c’est tout pour toi, prends tout
»
Et toi Père tu confirmes :
Voici mon serviteur, il me plaît, je l’ai choisi pour vous
je lui ai donné mon Esprit
pour qu’il vous fasse connaître la justice
L’Alliance c’est donc si simple ?
Peut-être est-ce pour cela qu’on a du mal à y penser
Mais pas ce soir
C’est pourquoi nous voulons toujours te rendre grâce et te
bénir
en unissant nos voix à celles qui te chantent unanimes dans les
cieux
…
Jacques Merienne
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