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Pourquoi lire aujourd'hui l'Apocalypse?
La tentation est d’éliminer de notre liturgie les textes qui sont apparemment loin de nous, de ne pas faire l’effort de se laisser rejoindre.
En deux mots : l’Apocalyps, c’est une réponse très intelligente et très courageuse à la situation des premiers chrétiens, situation qui par beaucoup de points ressemble à la nôtre.
Jean écrit aux différentes communautés chrétiennes de son époque et fait leur bilan, vous, ça va, c’est formidable continuez, vous autres faites attention, une sorte de visite pastorale comme va le faire ici notre vicaire général en novembre prochain.
C’est une présentation du salut, cela n’est pas banal pour nous aujourd’hui ;
Bien sûr on a abandonné, plus ou moins, la vision du salut en vases communicants : tout ce qui va mal ici garantit que ça ira bien là-bas, cette manière de croire qui faisait de la vie un challenge. On a abandonné ça, mais on n’en est pas revenu pour autant à la conception évangélique, on préfère tout abandonner de cette notion, n’en a plus rien à faire du salut, c’est des histoires de bonne femme.
Dans l’Apocalypse le salut, c’est la vie. La vie véritable qui doit concerner chaque seconde de notre vie, ici et maintenant, de manière réelle mais invisible : d’où la nécessité d’avoir des visions ! La poésie et l’art communiquent plus facilement l’invisible que l’esprit rationnel. Une fois de plus la Parole de Vie est recueillie dans une œuvre littéraire !
Les apôtres ont vécu ce passage vers l’invisible « ils le reconnurent mais il avait disparu à leur yeux » « heureux ceux qui croiront sans avoir vu ». Jésus avait amené à une remise en cause de la religion, pour lui la religion juive, il l’a payé suffisamment cher !
au profit d’une foi qui se manifestait par des signes qu’ont recueilli avec soin les disciples.
Mais voilà, la déconstruction continue, les disciples doivent vivre la remise en cause des signes eux-mêmes. Plus de Jésus visible, plus de miracles, plus de gestes prophétiques.
Deux questions : l’avenir de la foi et sa nature.
Aujourd’hui à nouveau, nous sommes dans un temps de disparition de la foi identifiable, c’est-à-dire, si l’on voit les choses autrement, positivement, à l’aube d’un nouveau christianisme : la manière dont il sera vécu dans 20 ou 30 ans nous échappe complètement !
Cela rend étrange et passionnante notre mission de transmission de la foi que nous avons reçue ! Est-ce que la foi des générations futures, la foi « de nos enfants » comme on dit dans le jargon politique, nous intéresse ou est-ce qu’on s’en fout ? Est-ce que c’est encore notre histoire ou la leur seulement ?
Pour le moment, ici au cphb, mis à part le travail acharné de « l’Éveil de la foi », qui d’ailleurs reste encore un peu marginal, on a plutôt choisi la seconde attitude, on serre très bien les fesses.
Donc dans ce livre de l’Apocalypse nous avons affaire à la foi d’un premier chrétien, foi sans système religieux et sans signe. Il lui reste quoi ? Il nous reste quoi pour croire ?
C’est St Jean, ce génie, qui l’a trouvé, avec probablement l’aide de ses frères de l’époque : il nous reste le langage. Il appelle cela dans ses lettres « la Parole de vie ». « Je vous écris tout ça pour que vous croyiez », « pour que nous ayons cette parole en commun, et ce que nous avons en commun c’est le Père et son Fils Jésus ».
Nous ne sommes pas, contrairement à ce qu’on dit un peu vite, une religion du Livre, mais une religion du langage, de la Parole.
Jean le dit dans ce livre de l’Apocalypse : pour être chrétiens vous n’avez besoin de rien d’autre que la Parole : pas de temple, par de rite, donc pas de prêtres.
Vous avez la Parole, donc vous n’avez qu’à parler !
En parlant, à vous-mêmes, entre vous et aux autres, vous allez vous unir, communier, faire une communauté, une ecclésia (qui elle aura peut-être besoin plus tard de temple, de rites et donc de prêtres, mais c’est à adapter selon les besoins de chaque époque).
Vous direz : mais cette parole, où est-elle ? D'une certaine manière, elle est dans tout croyant… Elle y est sans doute assez distraitement la plupart du temps. Néanmoins, vous ne la trouverez pas ailleurs.
Pour ne pas la perdre les premiers chrétiens l’ont mise par écrit, mais les premiers écrits ce n’étaient pas des codes ou des lois, ou des livre de morale ou de dogme. C’était des lettre pour se donner des nouvelles, pour se raconter ce qu’on se disait dans les communautés. S’ils avaient eu le téléphone nous n’aurions pas d’évangile aujourd’hui !
Car, au bout du compte, ça a donné les évangiles, une parole plurielle réalisant la communion des églises.
La parole de vie, elle est écrite dans l’Évangile, mais l’Évangile ne doit donc pas être lu comme une loi, c’est une parole donnée pour qu’elle s’accomplisse, donnée à ceux qui ont pour mission d’être les porte-parole de son accomplissement.
Dans le passage de ce matin nous trouvons les deux fondements de cette parole qu’est notre foi :
- elle l’origine et la fin, c’est-à-dire qu’elle est
- tout le chemin pour le monde, depuis la création jusqu’à la fin,
- tout le chemin pour le peuple, depuis Abraham jusqu’à Benoît XVI,
- tout le chemin pour moi depuis ma naissance et mon baptême, jusqu’à la mort et à l’éternité.
- elle est vivante.
Or la Parole de vie des chrétiens est celle des origines : « au début le verbe, le langage, la parole, et la parole c’est faite chair » dit Jean au début de l’Évangile.
Si pour nous cette Parole c’est le Fils, le Christ, cela donne dans la traduction liturgique que nous venons de lire : « je suis le premier et le dernier, je suis le vivant ! »
Jacques Mérienne
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