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MERCREDI des CENDRES
21 février 2007
Livre de JOËL II, 12-18 et MATHIEU VI, 1-6 16-18
Ces deux lectures concernent le jeûne et la conversion du cœur.
Avec le prophète Joël, il y a d'une part, des rites de pleurs
et de lamentation,
et le rassemblement de tout le peuple, du plus jeune au plus âgé
et d'autre part, des réflexions concernant la manière de
donner :
"évitez d'agir devant les hommes pour vous faire remarquer",
"déchirez votre cœur, et non pas vos vêtements".
Jésus va encore plus loin et propose un dépouillement total,
touchant la personne toute entière, lui permettant ainsi d'accéder
à la connaissance de Dieu le Père :
"Agis dans le secret de ta chambre, que personne ne te regarde, sinon
le Père qui est dans les cieux" qui est le seul témoin
de ta prière, de ton jeûne, de ton offrande.
Prenons à notre manière l'orientation qui nous convient
pour vivre ce temps de Carême.
Catherine Martin Laprade
Bonsoir,
Nous allons entrer dans cette célébration des cendres sous
le signe de la réconciliation et de la fraternité, interrogations
sur la fraternité qui vont marquer notre montée vers Pâques
Partage fraternel des groupes de carême sur ce qui nous rend frères
et les façons concrètes de vivre la fraternité (les
feuilles d’inscription sont encore à votre disposition dans
la chapelle des expositions pour vous inscrire après la célébration)
Echanges et réflexion collective, citoyenne, sur la fraternité
que nous propose l’Homme Debout le 31 mars en introduction à
la semaine sainte .
Déchirez vos cœurs, non vos vêtements, nous dira Joêl
tout à l’heure, et si déchirer nos cœurs, ce
n’était pas abandonner nos conditionnements, nos oeillères,
nos méfiances, nos égoïsmes, nos peurs pour aller vers
nos frères ?
Laissez vous réconcilier avec Dieu, nous dira Saint Paul, et si
se laisser réconcilier avec Dieu, ce n’était pas,
d’abord, nous réconcilier avec nos frères ?
Mais, ou sont nos frères ? Retirons nous un instant dans le secret
de nos cœurs, dans notre chambre secrète, pour nous préparer
à cette célébration et à la rencontre de nos
frères.
Didier Peny
Où es ton frère ? Pas moralisatrice pour deux
sous cette question de Dieu à Caïn qui vient de tuer Abel.
Délicatesse d’ une interrogation qui invite à se situer
sans fustiger. Question de lieu posée dès la Genèse.
Mais aujourd’hui c’est l’Evangile selon St Matthieu
qui nous invite à nous situer.
Si ce que nous faisons, c’est pour l’extérieur, pour
épater la galerie, si ça tourne en circuit fermé,
nous avons notre récompense. Nos actions ne sont que des prétextes
et cela ne va pas plus loin.
Il en va comme de cette dame hospitalisée qui rouspétait
contre ces « bonnes âmes » qui venaient la visiter,
selon elle par charité chrétienne, pour qu’on puisse
se donner bonne conscience. Elle refusait d’être aimée
par procuration, et se fichait pas mal qu’on voit le visage du Christ
à travers elle, ce qu’elle espérait plutôt ?
Une rencontre véritable, d’humain à humain, et pas
seulement pour donner à l’autre l’occasion de donner
!
Une certaine « charité », un certain « militantisme
» peuvent être des prétextes… et sonner aussi
faux que les trompettes ou les prières de ceux dont nous parle
l’Evangile. Là encore, pas question de juger. Lequel de nos
actes est-il totalement gratuit ?
Je crois que Jésus déplore, non pas l’existence de
rites, mais leur déviation. Il invite à un déplacement
de lieu, à puiser à la source. Et la source, même
dans le secret de notre chambre, c’est peut-être la relation,
un décentrement, une rencontre « ton Père voit ce
que tu fais dans le secret, il te rendra ». Rien à voir avec
« l’œil était dans tombe et regardait Caïn
», ce regard à la Big Brother si souvent projeté sur
nos images de Dieu, si souvent projeté sur les autres…
Ce regard du Père qui voit dans le secret et qui nous nous rendra
ou nous le revaudra (selon les traductions), on peut l’entendre
comme un Dieu du « œil pour œil », du donnant-donnant
dont nous parlions déjà dimanche mais on peut aussi le comprendre
comme un regard qui nous espère vrais, en relation, avec un désir
de donner peut-être, mais aussi et surtout de recevoir, pour se
recevoir les uns des autres. Nous demandons parfois : où donc est
Dieu ? Et pour toute réponse, nous voilà devant des questions
qui nous retournent les pieds sur terre : « Où es-tu ? »
et « Où est ton frère ? ». Sacrée conversion
qui nous concerne tous au-delà de toute croyance et nous fait relativiser
les ardeurs que nous pourrions avoir à sauver la religion !
Mais la prière aussi peut-être convertie, retournée.
« Notre-Père », «Notre »… «
Père »… en deux mots tout est déjà situé,
mouvement horizontal qui nous constitue en communauté fraternelle
et mouvement vertical qui nous enracine et nous pousse dans un au-delà
de nous-même. Mouvements d’allers et retours où, par
exemple, en disant « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons
aussi… » l’on ne sait plus si le pardon précède
les hommes ou ne peut se passer d’eux.
Alors se retirer dans sa chambre la plus secrète, ce n’est
pas s’enfermer dans un bastion de certitudes ou de dévotions
frileusement désengagées d’un monde déroutant.
Je crois au contraire, que c’est puiser au cœur, à l’intersection
de ces deux mouvements la source de notre fraternité. Pour en vivre
et pour la vivre comme autour de la Table où l’on peut s’appuyer
tant sur le don qui nous est fait que sur la foi des frères.
Tout cela c’est bien beau me direz-vous, mais comment cela se vit
la fraternité, concrètement ? Est-elle un don ou un commandement
? Est-ce un monopole des chrétiens ? Une utopie républicaine
? Une question de bons sentiments pour des âmes aveuglées
de naïveté ? Choisissons-nous nos frères ? Ne serais-je
pas hypocrite, si je me disais frère de quelqu’un qui ne
vote, vraiment pas mais alors vraiment pas comme moi ?
Ce que nous nous est proposé à l’orée de notre
montée vers Pâques, c’est d’abord, de prendre
un temps pour entrer en nous-même, dans notre chambre la plus reculée
et là, entendre comment la fraternité se tisse dans nos
vies.
Ensuite, au cours des groupes de Carême, par la participation à
l’Homme-Debout ou à l’exposition qui nous sera proposée
sur ce thème, ou par toute autre rencontre de notre choix, nous
pourrions échanger nos découvertes. Ecouter comment nous
gérons ce curieux paradoxe de la fraternité : nous sommes
de la même pâte et en même temps si différents
! Nous pourrions risquer de fraternelles mises en commun de nos différences.
Ensuite, rendez-vous au soir du jeudi-saint. Celui qui se dépouille
de lui-même pour nous dépouiller de nos religions fratricides,
celui qui nous fait passer au désert, pour creuser en nous la faim
de l’autre nous rassemblera pour partager notre moisson à
sa table. Mais d’ici là, prenons un temps pour entrer dans
notre chambre la plus reculée là où nous pouvons
entendre, « bien chères sœurs, bien chers frères
», la source qui creuse notre soif de fraternité, le souffle
qui soulève la cendre où couve la braise .
Alexandra Nègre
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