Formation
 

LES MOTS DE LA FOI

" La foi, c'est l'amour "
Aspects de la foi dans l'évangile selon Marc
6 JUIN 2005
Sœur Caroline RUNACHER
Interrogée par
Frédéric MOUNIER

voir les testextes de Marc en fin

- Sœur Caroline Runacher est docteur en théologie, dominicaine, enseignante à l'Institut Catholique de Lille et de Paris ; elle est spécialiste de l'Evangile de Marc.

Marie-Odile Barbier-Bouvet :
- Bonsoir à tous !
- Nous avons ce soir notre deuxième séance de formation à propos des mots de la foi. Ces mots de la foi, nous les avions rassemblés lors d'une célébration en octobre 2003, nous les avons rassemblés en sept grands pôles. La première séance de formation a eu lieu en avril, sur le thème suivant : la foi donne-t-elle sens à notre vie. Ce soir nous avons demandé à Sœur Caroline Runacher, qui est dominicaine, théologienne, de venir nous parler à partir de cette expression de la communauté, sur toutes ces expressions que l'on pourrait rassembler sous le thème " la foi c'est l'amour ". Sœur Caroline Runacher va dialoguer dans un premier temps avec Frédéric Mounier qui est journaliste à Bayard Presse, et ensuite le dialogue s'installera avec la salle. Je vous dis très simplement que Sœur Caroline Runacher a beaucoup travaillé Saint-Marc, dont elle va nous parler ce soir; elle a écrit un livre sur St Marc, dont vous trouverez un certain nombre d'exemplaires à la sortie, qui pourra alimenter vos lectures de l'été.

FM :
- Marie-Odile vous a quasiment tout dit, donc on va rentrer dans le vif du sujet. Le thème de notre soirée c'est donc " foi et amour ", qui est donc un vaste programme, pour en parler, nous allons nous fonder sur le travail que vous avez déjà réalisé, comme vous l'a rappelé Marie-Odile tout à l'heure, des mots qui ont été collectés, les mots de la foi, qui ont été adressés à notre interlocutrice, et donc à partir de ces mots nous allons réfléchir ensemble, et nous allons construire une réflexion commune. Je vous présente notre intervenante, le livre vous a été présenté, Sœur Caroline Runacher a écrit " Saint Marc ", dans la collection " la Bible tout simplement ", qui est une collection des éditions de l'atelier, dans laquelle Jesùs Asurmendi, qui était l'intervenant de notre précédente soirée, avait publié " Job ".
Sœur Caroline Runacher est docteur en théologie, elle enseigne l'exégèse du Nouveau Testament aux facultés de Théologie de Lille et de Paris, elle anime des groupes bibliques, et elle donne des cours de culture religieuse dans un lycée catholique à Paris.
Sœur Caroline est une spécialiste de Saint Marc. L'Evangile de Marc, vous allez voir que c'est un Evangile tout à fait particulier, car autour du mot qui nous intéresse aujourd'hui, vous le découvrirez avec moi, le mot " aimer " n'intervient qu'une seule fois dans cet Evangile, de façon assez énigmatique ; nous allons progresser dans cette énigme tout au long de la soirée. Nous allons d'abord écouter notre interlocutrice, il y aura ensuite un jeu de questions- réponses qui nous conduira aux alentours de 22h, 22h 15, qui est l'heure à laquelle, comme vous le savez, l'Esprit cesse de souffler. Sœur Caroline Runacher, vous avez la parole.

CR :
-Bonsoir ! Alors, je dois donc parler de l'amour - la foi c'est l'amour dans Marc. Mais, comme le dit Frédéric déjà, il y a très peu de verbe " aimer " dans Marc. Par chance, on peut aimer sans en prononcer le mot. Et ça, l'évangéliste va vous le montrer. Quand vous avez écrit vos phrases, vous avez bien dit que la foi c'est la confiance, c'est la confiance en quelqu'un qui est tendresse, c'est la confiance absolue en l'amour de Dieu, c'est m'abandonner à la source. Et bien, pour ce qui est de cette confiance, cet amour confiant, en Marc nous avons une très bonne école. Et quand nous prenons l'évangile de Marc et que je vous dis que c'est une bonne école, c'est parce que Marc est quelqu'un qui, à bien des égards, nous ressemble, à vous, à moi, parce qu'en fait, il n'est pas quelqu'un qui a des conditions pour croire particulières. Déjà, on pourrait se plaindre. On pourrait se plaindre en disant : " Ah! ben, croire c'est difficile parce que moi, Jésus, je ne l'ai pas vu en chair et en os. " Et bien Marc, il est dans la même situation, il n'a jamais connu Jésus. On pourrait dire aussi : " Jésus, c'était il y a longtemps ", et bien Marc aussi : quand il écrit son évangile, ça fait 40 ans que Jésus est mort, ressuscité, certes, mais physiquement absent.
Et puis il y a le monde. Parfois on peut dire " Aimer, croire, dans notre monde, c'est difficile ", mais dans le monde de Marc ce n'est pas plus facile. Et voyez vous, je voudrais vous montrer comment, dans le monde de Marc on va essayer de croire, comment on va essayer d'aimer en croyant, et qu'est-ce que ça veut dire croire et aimer quand on croit.
Alors, la première chose donc :
Le monde de Marc
Alors si vous avez le papier qui vous a été donné…
Marc écrit certainement autour de 70, et peut-être bien aux alentours de Rome. Or, quelle est la situation ? C'est une situation difficile ! Et quand on dit croire, quand on parle du christianisme, et bien on évoque quelque chose de stupide pour les gens, souvent. (rires) Quand Paul dit : " Nous prêchons un messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens ", mais c'est vrai ! Et si vous regardez, je vous ai mis un petit dessin. Qu'est-ce que nous voyons ? Nous voyons un graffiti du 2ème siècle que l'on a trouvé dans des ruines à Rome. Or si on regarde mieux, on voit un crucifié, mais la tête du crucifié c'est un âne, et au pied de l'âne, un bonhomme qui lève les bras et il y a marqué: " Alexaminos adore son dieu. " Et bien, adorer un crucifié à tête d'âne, voilà ce qu'on pouvait penser du christianisme, ça n'est pas facile, ça n'est pas positif. Et donc annoncer Jésus mort et ressuscité, dire sa foi dans ce tel milieu c'était compliqué, c'était difficile. Le christianisme était vu comme une superstition. Et la difficulté de ce monde, il y avait bien sûr l'ironie, comme vous pouvez le voir, mais ça pouvait aller jusqu'à la persécution. Et quelle est la première persécution que nous connaissons ?
Salle :
- Etienne.
CR :
- Etienne, et après ? Après, la grande persécution que nous connaissons, c'est Néron. Néron qui va lancer une grande campagne de persécutions… Et Marc, dans son évangile, plus que Matthieu, plus que Luc, plus que Jean, sera marqué par le climat de persécution, par la douleur que cela a laissée, par la souffrance psychologique aussi. Marc dit que la foi, c'est dans le monde et pour le monde. Mais le monde n'est pas forcément facile, et la foi, pour Marc, comme pour nous aujourd'hui, si nous sommes croyants, elle se vit dans un monde qui n'est pas facile, ça n'est pas du gâteau. Et Marc le dit, dans son évangile : " On vous fera des tracasseries, on vous fera comparaître devant les tribunaux etc., mais celui qui tiendra jusqu'à la fin, celui-la sera sauvé. " Autrement dit celui qui restera dans la fidélité, quoi que ça puisse coûter, celui-la acquiert vie et bonheur. Alors voyez, dans un tel contexte, on est aux alentours de 70, Marc, en écrivant son évangile, va écrire une exhortation, un appel vibrant à la fidélité, et à la fidélité radicale. La foi, croire, et cet abandon et cet amour que supposent la foi, et bien parfois elle peut engager notre existence. Et si vous prenez votre texte numéro 9 sur votre feuille, il y a cette phrase que Marc nous rapporte à propos de Jésus : " Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. " Vous voyez, la foi est un mouvement joyeux, mais c'est un mouvement lucide aussi. Et l'on va devoir, dans cette dynamique épouser le sort même du Jésus. Croire, c'est mettre ses pas dans les pas du maître et ce maître est un maître qui est donné, jusqu'à lui-même. Aller jusqu'à la croix et le disciple suit sur ce chemin. Mais n'allez pas croire que c'est la sinistrose pour autant. La foi est joyeuse. Et un jour il y a Pierre qui s'inquiète : il y a Jésus qui lâche un mot terrible, il dit : " Ah! Qu'il sera difficile à des riches d'entrer dans le royaume de Dieu ! " Alors Pierre qui comprend s'inquiète pour lui-même. Il dit : " Alors, et nous, nous avons tout quitté pour te suivre ! " Et alors Jésus dit : " Personne n'aura quitté père, mère, frère, sœur pour moi et pour l'évangile sans recevoir au centuple, en ce temps-ci, cent pères, cent mères, etc. avec des persécutions. Vous avez quitté un frère, vous en retrouverez cent, et c'est vrai, regardez. Regardez autour de vous. Mais cette suivance se fait dans un monde, avec lucidité et foi. Il y a des obstacles, il y a des persécutions, persécutions réelles dans d'autres pays et puis des difficultés dans tous les pays. Et voyez, quand Marc, a un monde si difficile, et bien ça va avoir des conséquences sur sa façon de nous parler de la foi, sur sa façon de nous parler de Jésus et sur la façon d'être disciple croyant. Marc est un chercheur de Dieu, il est croyant, et en tant que croyant et chercheur de Dieu ce qu'il cherche, c'est à poser une question sans cesse. Il pose une question et il y répond. Jésus demande : " Qui dites-vous que je suis ? " Et cette question, on ne peut pas l'évacuer… Elle est posée au cœur de l'évangile de Marc, elle est posée par Jésus à ses disciples et elle est posée à travers les disciples à tout croyant. Et elle résonne jusqu'à Saint-Merri. Et cette question : " Qui dites-vous que je suis ? " Il faut y répondre ! Et répondre à cette question est important parce qu'il n'est pas question de faire comme Nicodème dans l'évangile de Jean pour Marc. Qu'est-ce qu'il fait Nicodème dans l'évangile de Jean : est-ce qu'il vient de jour ?
Salle :
- De nuit !
CR :
- De nuit, pourquoi ?
Salle :
- Pour qu'on ne le voie pas.
CR :
-Voilà, pour qu'on ne le voie pas, et parce qu'il a la trouille de se montrer pour ce qu'il est, croyant. Et puis, et bien Marc dit non, vous ne pouvez pas être des crypto-chrétiens, des nocturnes de la foi. Il ne serait pas non plus question d'être des croyants non confessant, comme il y a des croyants, non pratiquants. Il n'est pas question d'être comme ces pharisiens qui dans l'évangile de Jean n'osaient pas confesser qu'ils avaient cru en lui, de crainte d'être exclus de la synagogue. Pas de croyants non confessants.
" Qui dites-vous que je suis ? " C'est là une question qui n'est pas si simple qu'elle en a l'air. Si vous prenez votre texte numéro 1, nous voyons que dans Marc, au chapitre 8, Jésus s'en va avec ses disciples et il leur pose une question : " Qui dit-on que je suis ? " " Qui suis-je au dire des hommes ? " Alors, ils disent : " Jean-Baptiste ou bien pour d'autre Elie ou bien l'un des prophètes ". Et puis tout à coup Jésus dit : " Et vous, qui dites-vous que je suis ? " Il ne s'agit plus de qu'est-ce qu'on dit ailleurs, mais vous, comment prenez-vous position ? Et là, Pierre se lève et puis vous l'entendez (vous savez il est toujours très fier, Pierre) : " Tu es le Christ. " Formidable, c'est la première fois dans l'évangile de Marc qu'un homme dit quelque chose de juste de Jésus. Il est le Christ. Bien ! Mais lequel ? Et regardez, aussitôt, dès que Pierre a dit " Tu es le Christ ", qu'il a dit cette phrase formidable, Jésus leur recommande sévèrement de ne parler de lui à personne et Jésus "commença à leur enseigner qu'il fallait que le fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens les grands prêtres, les scribes, qu'il soit mis à mort, et que trois jours après il ressuscite ". Quelle douche écossaise : D 'un côté Pierre qui dit quelque chose de très glorieux : " Tu es le Christ ! ", et puis Jésus qui dit : " Il faut que le fils de l'homme souffre. " Vous sentez le choc ? Et bien Pierre ne l'avale pas. Et regardez, Pierre, qu'est-ce qu'il va faire ? Le tirant à part, Pierre se mit à réprimander Jésus. Mais lui Jésus, se retournant et voyant ses disciples réprimanda Pierre : " Retire-toi, derrière moi Satan, tes vues ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. " Il y a des confessions de foi, il y a des élans d'amour qui apparemment paraissent juste et en fait sont faux. Et c'est le cas de Pierre. Pierre était quelqu'un qui voulait un Jésus à sa mesure. Un Jésus brillant, glorieux, quelqu'un qu'on peut annoncer sans avoir honte… Et Marc avec Jésus dit non, qu'il y a le fils de l'homme souffrant. C'est la théologie de la croix. Tu ne pourras pas confesser Jésus, tu ne pourras pas être croyant si tu veux une pièce de monnaie qui n'a qu'une seule face. La foi en Jésus suppose que tu confesses sa gloire de messie mais aussi que tu acceptes le don qu'il fait de lui-même, il est fils de l'homme. Et tu ne pourras pas confesser autre chose. Tu ne te fabriqueras pas un Jésus à ta mesure, la foi ne fait une idole et elle accueille. Et peut-être y a-t-il à comprendre que, Pierre devra comprendre qu'il devra aller jusqu'à la croix avec le centurion. Et Pierre, au pied de la croix (il n'y est pas mais ça fait rien, vous l'imaginez), Pierre avec le centurion au pied de la croix, qu'est-ce qui se passe, regardez le texte numéro 2. Nous sommes au pied de la croix. Jésus vient de mourir. Il vient de mourir de la mort la plus odieuse qui soit pour l'époque. Il meurt crucifié. Vraisemblablement nu, il n'a plus figure humaine. Et au pied de cette croix, il y a un centurion, un païen, un type qui ne comprend rien à la religion des juifs. Et il regarde Jésus, mort, voyant comment il avait expiré : " Il pousse un grand cri, il expire, le voile du sanctuaire se déchira en deux de haut en bas ". Le centurion qui se tenait devant lui, voyant qu'il avait ainsi expiré dit : " Vraiment, cet homme était fils de Dieu. " Et il y a un paradoxe immense : comment peut-on dire que là, dans ce mort, dans ce mort qui n'a plus figure humaine, dans ce mort dont la vie se résume par un échec terrible, il y a le fils de Dieu. Là est la foi, la foi du centurion, elle est un paradoxe, elle ne se fabrique pas un objet extraordinaire, clinquant. Le centurion reconnaît que dans cet homme, qui a eu une vie donnée, jusqu'à une mort terrible, dans cet homme, au lieu même de l'échec, il sait reconnaître la gloire du fils de Dieu, une gloire qui se réalise en se donnant. Et donc la foi, voyez-vous, n'est pas idolâtre, et Pierre devra l'apprendre. Elle ne se fabrique pas son objet. L'amour ne fabrique pas l'autre. La foi c'est l'amour, eh! bien la foi c'est l'amour, oui, c'est une confiance absolue, même quand ça peut paraître déraisonnable, en un dieu qui est au-delà du raisonnable. Il est fils de Dieu jusque dans la mort. Et croire cela est extrêmement difficile. Le centurion l'a éprouvé. Certainement.
Alors…
Ca va ?
Salle :
- Oui, oui.
CR :
-Puisque ça va, vous avez fait le premier volet : maintenant que nous avons compris que la foi n'est pas idolâtre et que l'amour accepte l'autre tel qu'il est et pas tel qu'on le souhaite. Et bien une fois qu'on a compris qu'il ne s'agit pas de se faire une religion " auto-bricolée ", un Jésus " auto-bricolé " comme disent les Colossiens, dans l'épître de Paul aux Colossiens, et bien regardons ce que ça veut dire, être croyant, avec les disciples, et dans la vie quotidienne.

Quand vous regardez l'évangile, et bien, qu'est-ce que ça peut vouloir dire, être disciple ? Est-ce que vous savez quelle est la première parole que Jésus prononce dans l'évangile de Marc ? Non ? Bon, et bien il dit ceci : " Le règne de Dieu s'est approché, convertissez-vous, croyez à l'évangile. " Convertissez-vous, croyez. Et certainement les disciples ont pu entendre ça. Mais voyez-vous, quand Jésus dit croyez à l'évangile, il dit : croyez au salut, croyez au bonheur que Dieu veut pour vous. Mais est-ce qu'il le dit simplement au passé simple ? Non, il le dit au présent et de façon durable. Convertissez-vous. Il ne s'agit pas de se convertir de midi à deux heures, il s'agit de se convertir et de croire dans la durée. Et les disciples qui ont pu entendre cela, vont répondre à Jésus qui vient et appelle :" Venez derrière moi, venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes. " Il apparaît ainsi que la foi est attachement, elle est suivance.
Mais la foi suppose aussi que l'on aille vers les frères. En effet si Jésus dit " Suis-moi, attache-toi à moi "il ajoute immédiatement: " Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes. " Dès qu'il y a un mouvement centripète sur Jésus, automatiquement il y a un mouvement qui pousse vers l'extérieur. Je vous ai mis en texte numéro 3 : " La très belle vocation du disciple. " un texte qui est pour nous tous et où nous voyons Jésus choisir les Douze. Marc nous dit que Jésus monte dans la montagne, et là : " il appelle à lui ceux qu'il voulait. " Il ne les appelle pas en désordre, mais il appelle ceux qu'il voulait (le cœur de Dieu est immense, il appelle beaucoup de gens). Et ceux qu'il voulait répondent : " Ils vinrent à lui. " Remarquez ce que fait Jésus : " Il en établit douze. " Il ne les établit pas : un ici, un là ! Il les fait Douze, il les fait communauté. Et puis, pourquoi les fait-il Douze ? Il les fait Douze pour être avec lui ; dans les Bibles on traduit souvent par " pour être ces compagnons ", mais " pour être avec lui ", me paraît meilleur. Leur premier objectif, aux Douze, le premier objectif du disciple et du croyant, c'est d'être avec Jésus. " Il les fit Douze pour-être -avec-lui. " Mais au moment même où ils s'attachent à lui, il disperse les disciples " pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons. " Le disciple est quelqu'un qui vit un attachement viscéral, irréductible à Jésus et qui est avec lui (pas tout seul, mais avec les autres) et qui en même temps est toujours renvoyé vers le monde, vers ses frères. Et pas simplement pour être comme une espèce de décoration, mais pour être actif dans le monde, pour y chasser les démons. La foi est amour de Jésus et un amour qui pousse vers le frère. C'est la condition de disciple et de croyant même, que d'être à la fois attaché au Christ et ouvert sur le monde, un monde parfois dur, et puis qu'importe, un monde à aimer. Et c'est ça la vocation numéro un du disciple : être avec Jésus pour être aux hommes. Et donc quand vous me proposez " la foi c'est l'amour ", vous voyez que ce n'était pas si mal tombé que ça.

Et donc cette existence quotidienne, ouverture au Christ, ouverture sur le monde, et bien, ce n'est pas quelque chose qu'on fait en un coup de cuillère à pot, et vous le savez bien, en matière de foi, il se pose souvent la question de la durée et de l'endurance. Cela vous dit quelque chose? Non ? Vous allez voir que si ! (rires)

Donc, le croyant est quelqu'un qui va s'enraciner dans le Christ pour aller vers les autres. Mais ça, comment est-ce qu'on y arrive ? Comment est-ce qu'on arrive à être attentif à Dieu, au Christ et aux autres ? Et bien, vous connaissez certainement la parabole du semeur : ce semeur qui sort et qui sème. Tous les grains ne tombent pas de la même manière : il y a le grain qui va tomber dans la pierre, la caillasse ; et puis il lève aussitôt, il y a de l'enthousiasme, la parole, le message, la foi, tombent dans un coeur généreux, enthousiaste. Mais ils n'ont pas de racine. Et dès que vient le moindre petit problème, ils tombent. Ils sont, dit l'évangéliste Marc : des " proskaïroï" ce sont des gens pour un temps déterminé, ce sont des disciples éphémères, ce sont des disciples à contrat à durée déterminée. Et puis il y en a d'autres, encore ! Le grain… Pardon ?
Salle :
- Actuellement on trouve surtout ça !
CR :
- Eh oui, vous allez voir ! Il n'y a pas que ceux-là ! Car il y a aussi du grain qui va tomber dans les épines. Qu'est-ce qui se passe alors? Et bien les épines étouffent la parole de l'évangile, étouffent la foi. Ces épines, sont les soucis du monde… le désir de la richesse… toutes ces choses qui finalement, si souvent, me mobilisent le cerveau et le coeur. Et puis un beau jour, " chemin faisant ", dit Marc, ils sont étouffés et ils se réveillent sans Dieu. Ils sont secs. Mais alors, qui peut avoir une chance ? Qui est la bonne terre qui porte du fruit et en quoi est-elle différente des autres terres ? La différence, elle est la suivante : " Et voici ceux qui ont été ensemencés dans 'la bonne terre', ceux-là entendent la Parole, ils l'accueillent, et portent du fruit, '30 pour un, 60 pour un, 100 pour un' ". La différence avec ceux qui tombent dans les épines, c'est le verbe écouter ; les uns ont entendu la Parole, une fois, cependant que les autres écoutent de manière durable. L 'amour ne se lasse pas. Et une parole qu'on a écouté une fois on la réécoute plusieurs fois ; ça va ?
Salle :
- Oui oui…
CR :
- Pour Marc, il est impératif que celui qui s'enracine, qui se met à la suite du Christ et se lance dans l'aventure de la foi au Christ pour les hommes, tienne la route et écoute la Parole de façon durable. Il importe qu'il entretienne la relation de foi et que cette confiance, ce croire ensemble, cet 'abandon à la source', comme disent certains d'entre vous, il le cultive, il le revitalise par une écoute constante de la Parole, une présence à Dieu, qui, lui, ne fait pas défaut. Et alors, le disciple, le croyant, arrive à passer à travers les pires choses. Même la tempête. Vous connaissez l'histoire de la tempête apaisée ?
Salle :
- Hm - hm…
CR :
- Bon. Est-ce que vous avez déjà remarqué ce que fait Jésus ?
Salle :
- Il dort…
CR :
- Il dort simplement ? Il dort sur un coussin. Chez Marc, il dort sur un coussin. Alors imaginez-vous la scène : Jésus monte dans la barque et s'endort… sur un coussin, s'il vous plaît ! Et voilà que les flots se soulèvent et queJésus continue à dormir d'un sommeil anormal ; les disciples énervés, le réveillent, et sans ménagements ils lui disent : " Tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ! " Autrement dit, tu ne vas pas t'imaginer que tu vas dormir tranquille pendant que nous, on boit le bouillon ! Et Jésus leur dit ceci : " Vous n'avez pas encore de foi ? " Pourquoi est-ce qu'ils ont manqué de foi ?
Salle :
- Ils ont eu peur.
CR :
-Ils n'ont pas eu confiance. Tout à coup, leur attachement au Christ, à Jésus, a été submergé par la peur. Ils n'ont plus reconnu qui était avec eux. Ils l'ont pris pour quelqu'un d'ordinaire. Or le croyant est appelé, dit Marc et disent aussi Matthieu et Luc, à toujours rester présent à la présence de Dieu. Rester présent au Christ. Et ça, ça s'apprend.
Jésus fait remarquer aux disciples : " Vous n'avez pas encore de foi ", mais il faut bien reconnaître que la foi est quelque chose de difficile. Pour Marc, la vraie foi est une foi éprouvée, une foi qui passe par l'épreuve. Une foi qui n'existerait que dans des choses faciles, ça ne marche pas. La vraie foi est une foi qui surmonte les obstacles. Vous connaissez Jaïre ? Jaïre, quel était son problème ?
Salle :
- Sa fille.
CR :
-De fait, il vient chez Jésus et lui dit : " Dis donc, ma fille est à toute extrémité, viens vite ! " Il vient et puis, en cours de route, l'hémoroïsse les retarde, et le temps qu'elle soit guérie, la fillette de Jaïre est morte. Et que vient-on alors dire à Jaïre ? Qu'il est inutile de déranger le maître, car sa fille est morte. Et quel est le mot terrible de Jésus ? Il lui dit : " Crois seulement. " Vous imaginez le défi ? " Crois seulement. " Et Jaïre va surmonter l'obstacle et tenir dans la foi, alors même que sa fille est morte. Quant à l'hémoroïsse, cette femme qui était malade depuis douze ans, qui avait laissé tout son argent chez les toubibs ; et dont l'état non seulement ne s'était pas amélioré, mais avait même empiré, cette femme donc se dit : " Si j'arrive jusqu'à Jésus, si je touche seulement la frange de son vêtement, je serai sauvée. " La foi surmonte les obstacles. La foi ne naît pas du miracle. Vous avez déjà entendu ça je suppose ? " Si je voyais un miracle, je croirais. " Parfois, nous pouvons être tentés de dire :" Si seulement on pouvait faire un miracle, question que ça me remette un peu en piste ! " Mais non, dit Marc : le miracle n'engendre pas la foi, mais c'est la foi qui permet le miracle. La foi ne s'impose pas, elle est proposée ; cela apparaît clairement dans le texte numéro 4 : " La foi qui surmonte les obstacles et ne s'impose pas. "
Un jour Jésus était arrivé dans sa famille, dans sa patrie, et il se met à enseigner. De nombreux auditeurs se disent " Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée si bien que des miracles se font par ses mains ? " Donc ils ont vu des miracles, mais vont-ils croire ? Non, mais ils disent : " Oh ! Qui c'est ce type ? N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? " et il était pour eux une occasion de chute, donc de non-foi, ils ne comprennent pas. Et Jésus de réagir : " Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison. "Et Marc de conclure : il ne pouvait faire là aucun miracle. C'est que la foi, l'amour, n'exigent pas des choses extraordinaires, et le miracle, le clinquant, n'engendrent pas la foi. Le désir de foi sera favorisé bien plutôt par la pauvreté spirituelle, par le désir. C'est le cas de cette femme Cananéenne, qui vient à Jésus avec tous les handicaps : étrangère, non juive, mère d'une enfant possédée, elle ose néanmoins demander à Jésus de s'occuper de sa fille. Mais Jésus lui répond avec rudesse : " Ma fille, il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens. " Mais la femme, avec son désir et sa foi, ne se laisse pas ébranler: " Oui, c'est vrai, je ne suis qu'un chien et ma fille aussi mais, mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants. " Chez cette femme, au creux de ce désir, au creux de cette pauvreté spirituelle, il y avait de la place pour de la vraie foi ; et à cette foi Jésus répond.
Cela dit, la foi peut être encore plus difficile que ça, l'expérience quotidienne le montre. Dans l'évangile de Marc, se trouve l'épisode de " la guérison de l'épileptique " et qui est de tout le Nouveau Testament, le seul texte où la foi et l'incrédulité ne s'excluent pas, ne sont pas irrémédiablement contradictoires. Alors que la foi que j'ai évoqué plus haut est , avouons le, une foi passablement héroïque, c'est une foi sereine, attachante, aimante et où apparemment tout va bien, Marc aborde de frontl'expérience, si difficile, de la foi quotidienne… Cela ressort bien dans " La guérison de l'épileptique " :
" Lorsqu'ils furent arrivés près des disciples, ils virent autour d'eux une grande foule et des scribes qui discutaient avec eux. Dès que la foule vit Jésus, elle fut surprise et accourut pour le saluer. Il leur demanda : " De quoi discutiez-vous avec eux ? " Et un homme de la foule lui répondit : " Maître, j'ai amené auprès de toi mon fils, qui est possédé par un esprit muet. En quelque lieu qu'il le saisisse, il le jette par terre, l'enfant écume, grince des dents et il devient tout raide. J'ai prié tes disciples, " (parce que Jésus était parti à la montagne de la transfiguration avec Pierre, Jacques et Jean) " j'ai prié tes disciples de chasser l'esprit, et ils n'ont pas pu. "
-Donc, en l'absence de Jésus, les apprentis sorciers ont échoué. Et maintenant, regardez ce que dit Jésus, c'est terrible !
" Engeance incrédule, jusqu'à quand serais-je auprès de vous, jusqu'à quand vous supporterai-je ? "
-Avouez que ce n'est pas aimable. A ses disciples Jésus dit : " Vous avez été sans foi, vous avez été des incrédules. " Et pourquoi ont-ils été incrédules, qu' est-ce qui a montré leur non-foi ? C'est leur échec. Car s'ils ont échoué, c'est par manque de prière ; Les v. 28s montrent que le seul remède à l'échec aurait été la prière :
28. Quand Jésus fut rentré à la maison, ses disciples lui demandèrent en particulier : " Pourquoi n'avons-nous pas pu chasser cet esprit ? " 29. Il leur dit :" Cette espèce là ne peut sortir que par la prière ".
-Ils ont manqué de prière. Or, qu'est-ce que c'est la prière ? Vous avez une idée ?
Salle :
- La confiance.
CR :
- C'est la confiance. La prière, c'est l'expression orale de la foi, si je peux dire ça comme ça. Les disciples ont manqué de prière, et ce faisant, ils ont manqué d'abandon à Dieu. Ils auraient dû être des hommes de prière, des hommes de foi. Or, au lieu d'aborder le démon à l'aide de la confiance et de l'abandon à Dieu, ils ont certainement mis leur confiance en eux même. Ils ont dit… ça a déjà marché au chapitre 6, il n'y a pas de raison que ça ne marche plus maintenant. Et du coup, ils ont dû faire preuve d'une assurance sérieuse, et ils se sont confiés plus en eux même qu'en Dieu. Et ils ont ainsi oublié ce que c'était que la foi. Et que le texte numéro 6 nous rappelle :
" Jésus leur dit : " Ayez foi en Dieu " "
-Première chose que nous apprenons, c'est que la foi est tournée vers Dieu ; elle n'est pas confiance en soi, mais en Dieu.
" En vérité je vous le déclare, si quelqu'un dit à cette montagne : " Ôte-toi, jette-toi dans la mer, et s'il ne doute pas en son coeur, cela arrivera pour lui. "
- La foi, la confiance, ne doute pas. Elle ne doute pas dans le coeur qui est le centre même de l'existence, le lieu des décisions, le lieu de l'attachement. Quant à demander qu'une montagne se jette dans la mer, il y a là quelquechose de fou. Qui est d'accord ?
Salle :
- …
CR :
- C'est fou et puis ça peut paraître puéril. Mais en fait, il y a un code. Dans la Bible, dans ce que nous appelons l'Ancien Testament, c'est au jour de Dieu, au jugement dernier, au jour du règne que les montagnes retournent en vallées, que les montagnes fondent comme cire devant le Seigneur. Donc, demander que les montagnes se jettent dans la mer, c'est demander que le jour de Dieu, que le règne du Seigneur vienne. Ainsi par la prière, je peux devenir participant à la force de vie, de salut de Dieu. Le croyant est quelqu'un qui se confie entièrement en Dieu dans la prière, non pas pour demander n'importe quoi, mais pour demander le salut des hommes. La foi est amour, parce que dans la foi on demande non pas n'importe quoi mais on demande le salut pour tous les êtres humains. Et le croyant devient participant de ce salut. Quand vous aidez X, Y ou Z dans les menues choses de l'existence, comme dans les grandes, vous participez à la construction du règne de Dieu, vous êtes aimant Dieu pour les hommes.

Et ça ils n'ont pas su le faire. Ils ont manqué de foi, d'abandon en Dieu, et ils se sont repliés sur eux même. Il y a eu fixation sur soi.
Quand le père de l'épileptique demande la guérison , il dit : " l'enfant est tourmenté depuis longtemps…Mais si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par pitié pour nous. " Et Jésus dit : " Si tu peux. " En reprenant les mots du père " Si tu peux ", Jésus montre au père qu'il doute, qu'il s'adresse à lui comme à un médecin dont on ne sait pas jusqu'où vont ses possibilités. Finalement Jésus provoque le père: " tout est possible, en faveur de celui qui croit ". Et l'homme a cette réaction extraordinaire : " Je crois ! Viens au secours de mon incrédulité. " Dire " je crois ",c'est normal, si le salut de votre enfant en dépend. Pour le bien de son enfant, le père veut croire, il engage toute sa volonté, tout son amour, et en même temps, il est conscient que croire à 150%, croire de cette foi qui peut déraciner les montagnes, il ne peut pas. Alors il dit : " Je crois ! Viens au secours de mon incrédulité ". Il fait appel à la miséricorde de Jésus, qu'il vienne à son aide jusque dans sa non-foi. Et au moment où il crie : " Viens à mon secours ", il émet une prière , et il restaure le lien de foi et de confiance. Il ne peut pas croire, soit, mais Dieu peut lui donner la foi nécessaire. La foi est fondamentalement à demander, elle n'est jamais acquise une fois pour toutes.Pour Marc, la foi ne vit que dans la tentation, et la foi est toujours susceptible de faire un repli sur elle-même et finalement de succomber sous les assauts de l'incrédulité. Cette expérience est redoutable, et pourtant banale. Et Marc de nous encourager en rappelant que le Christ entend la prière de celui qui demande la foi, depuis le coeur de son incrédulité.
L'évangéliste invite aussi à vivre plus sereinement ; il dit. En effet, si nous lisons texte numéro 7, quel est le premier de tous les commandements ? Quel est le commandement, qui est le fondement de tout ? Quel est le plus grand commandement de tous ?
Salle :
- " Tu aimeras le Seigneur "
CR :
- Ah ! Mais avant : " Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu. " il y a encore quelque chose : " Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force ". La confession de l'unicité de Dieu, la confession de foi est liée à l'amour de Dieu, Il y a à confesser sa foi, à engager tout son être envers Dieu, et à aimer son prochain.Là, dans cet amour là, il y a toute la vie et la vie ordinaire. Aime, en sachant que la foi est difficile ; aime le Seigneur, et confesse-le, et en même temps aime ton prochain. Mais pas seulement dans les grandes choses, et dans les choses clinquantes comme les miracles, mais dans les petites choses de la vie, ces petites choses que vous trouverez à chaque instant.
FM :
- Merci beaucoup, Caroline, pour cette passion, cet enthousiasme et en même temps cette très très grande clarté. C'est tout à fait clair, mais en même temps, il y a plein, plein de questions qui sont à l'œuvre dans cette assemblée, mais je voudrais quand même profiter du privilège qui est le mien pour vous poser, pour commencer, trois questions en une, des questions d'aujourd'hui.
Vous avez dit tout à fait au début, la question que pose Jésus dans l'évangile de Marc, il nous la pose encore aujourd'hui : " Qui dites-vous que je suis ? " Et vous avez dit : " Il faut absolument répondre. " Et moi, j'ai envie de vous demander : " Pourquoi donc faudrait-il répondre à cette question ? " C'est à dire qu'aujourd'hui, cette question, pour beaucoup, suscite une indifférence absolument totale !
Donc, quelle est aujourd'hui la pertinence, l'audibilité de cette question ?
Je vous en pose une seconde dans le même domaine, vous avez dit : " Certaines confessions de foi peuvent apparaître fausses. " Et vous proposez des critères de discernement : la foi ne fabrique pas son objet, l'amour ne fabrique pas l'autre. Vous parlez de la théologie de la croix etc. Bon, alors, je reviens toujours à la question d'aujourd'hui, vous le savez comme moi, le Christianisme se développe comme jamais dans ce qu'on appelle des églises non affiliées, des églises non dénominationnelles, que certains appellent des sectes, d'autres appellent ça des petits groupes. Bon, il y a des dizaines de millions de gens aujourd'hui, en particulier en Afrique, en Amérique latine qui trouvent leur espérance dans ce type de groupements Chrétiens, et un bon nombre d'entre eux fuient même, quittent à tout le moins les églises établies.
Comment aujourd'hui, selon vous, quels critères de discernement peut-on travailler, appliquer, réfléchir pour vérifier la pertinence d'une confession de foi ?
Et enfin, c'est ma dernière question, toujours sur " l'aujourd'hui ", vous avez parlé des disciples en CDD. C'est évidemment une grande question d'aujourd'hui, puisque les jeunes générations savent très bien que la simple notion de CDI est une notion en voie de disparition et qu'aujourd'hui le CDD, le contrat à durée déterminée, c'est quelque chose qui règle les relations de travail. Il en est de même pour la foi, certains diront ce sont les orthodoxes qui me plaisent, parce que les célébrations sont quand même plus sympathiques, et puis les bouddhistes, c'est quand même plus ouvert, il y a beaucoup de différences, et donc parfois, des sensibilités religieuses peuvent se vivre sur ce mode " CDD ". Donc, au fond, ma question, c'est de vous appeler à nous aider à construire ce que vous nous avez dit, à le construire plus précisément pour les conditions d'aujourd'hui.
CR :
- Bon, alors, c'est pas préparé, ça.
FM :
- Non, c'est pas préparé.
CR :
- Quand vous évoquez déjà : il y a des gens qui sont orthodoxes aujourd'hui, catholiques hier et puis demain je ne sais pas quoi, il y a quelque chose qui est fondamental : c'est la modestie. Prenez s'il vous plaît votre texte numéro 11. Parce que Marc, il l'a fait. Il y a bien sûr des catholiques, des orthodoxes, etc. Mais la difficulté c'est peut être de savoir distinguer l'essentiel (que Dieu me pardonne de ce que je vais dire) de l'accessoire ; et regardons ce qui se passe : un beau jour (dans le texte numéro 11), Jean dit à Jésus : " Maître, nous avons vu un homme qui chasse des démons en ton nom, et nous l'en avons empêché parce qu'il ne nous suit pas. " " Ne l'en empêchez pas, " répondit Jésus, " car il n'est personne qui, faisant un miracle en mon nom, puisse aussitôt parler mal de moi. " Quel est le problème de Jean ? Il a voulu finalement faire quoi ?
Salle :
- Prendre le pouvoir.
CR :
- Prendre le pouvoir, et le pouvoir sur quoi ?
Salle :
- Par imitation…
- Une puissance…
CR :
- Par imitation, une puissance…
Il a voulu s'approprier qui, finalement ?
Salle :
- Jésus.
CR :
- Jésus ! Il a voulu s'approprier Jésus, ni plus ni moins. Et en disant : les autres, ils ne sont pas bons. Pourquoi ? Quel est leur problème ?
Salle :
- Ils n'ont pas suivi…
CR :
- Ils n'ont pas suivi qui, Madame ?
Salle :
- " Moi ", Jean.
CR :
- Jean, c'est ça. Nous, il ne nous suit pas. Le problème pour Jean ce n'est pas qu'il ne suive pas Jésus, c'est qu'ils ne sont pas à l'abri du bon clocher.
FM :
- Ou de la bonne synagogue.
CR :
- Voila, ou de la bonne synagogue… Et donc Jésus leur dit : stop ; Il y a des gens qui se réclament de mon nom, et qui peuvent très bien être ailleurs. Et donc que des gens vivent le christianisme dans une forme ou dans une autre, peut-être que c'est pas le nerf de la guerre
FM :
Et alors attendez : le Jésus de Bush ?
CR :
- Ah ça c'est autre chose !
(débat dans la salle)
- Y a-t-il des façons de mal parler de Jésus ? Et bien peut être en effet, qu'il y a des façons qui peuvent susciter des haines, des rancœurs, des choses dures qui ne sont pas conformes à l'évangile. Et peut être que, quand nous faisons un certain portrait de Jésus trop tranché, ou bien que nous l'adaptons à nos besoins, peut être qu'à ce moment là il y a à dire : stop, je ne suis pas sûr que tu tiennes suffisamment compte de la miséricorde. Et c'est quand même quelque chose d'extrêmement difficile. Mais vous sentez bien que je suis embarrassée parce que vous avez pris un exemple tout à fait politique. Je transpose : il m'arrive de dire en cours à des étudiants " Il me semble que votre vision de la chose, de Jésus, votre portrait, est forcé. " Le texte, ce que nous savons, ne permet pas cette interprétation. Par exemple, un Jésus qui serait tout blanc ou tout noir, qui dise, c'est la guerre ou la paix, et bien ça ne va pas. Et donc, il y a à voir que Jésus est quelqu'un qui effectivement donne la possibilité à beaucoup de se reconnaître en lui. Même si ce n'est pas à tous, parce que ça, on le constate tous les jours. Mais il y a donc à faire attention, et je crois qu'il faut laisser l'évangile nous parler, et ne pas le faire parler comme nous voudrions qu'il cause. Et ça, c'est le rôle des biblistes, c'est le rôle aussi de chaque croyant, d'écouter. Tout à l'heure, je disais que la foi écoute de façon durable. Et c'est vrai, que nous pouvons dans notre vie, entendre un jour quelque chose, on peut comprendre l'évangile d'une certaine manière, il peut arriver que ce ne soit pas une bonne affaire de se durcir sur cette compréhension. Donc la foi cherche, et on cherche aussi à mieux comprendre qui est le Christ. Et à travers ça, l'épisode des exorcistes étrangers nous rappelle que nous ne pouvons pas nous approprier Jésus d'une façon autoritaire.
Salle :
- Ce serait dire : c'est moi qui ai raison, vous avez tort.
CR :
- Ca peut arriver.
Salle :
- Nous avons un peu tendance à croire que nous avons la vérité. Et donc à exclure qu'une partie de la vérité peut arriver d'ailleurs.
CR :
- Oui, c'est ça la modestie à laquelle on est invité. Nous ne pouvons pas affirmer que nous avons tout Jésus tout seul à un moment donné. Alors que l'Eglise puisse dire : " nous avons une révélation ", oui, mais ça n'empêchera pas que Dieu puisse encore s'exprimer et que le Christ puisse montrer son visage par d'autres.
Salle :
- Que pensez-vous, dans les différents visages du Christ, de l'utilisation peut-être un petit peu magique que l'on fait de la religion catholique en Amérique latine : beaucoup de miracles, de folklore… Et puis une utilisation un peu magique, superstitieuse… Est-ce qu'elle vous paraît possible, acceptable ??
CR :
- J'y étais pas. Mais ce que je peux dire…
Salle :
- Ce que représentent les médias à la télé.
CR :
- Je souhaite faire remarquer une chose : quand vous lisez les évangiles, vous pouvez être frappés par le nombre de miracles qu'il y a. C'est quelque chose qui est véritablement inscrit dans les évangiles, et qui dit quelque chose de l'identité de Jésus. Aujourd'hui, on a plus le même rapport aux miracles, mais je crois aussi que selon les temps, selon les lieux, l'expression de la foi n'a pas besoin de la même chose. Et peut être, qu'il y a des gens qui ont besoin de plus de manifestation extérieure. Le tout est de ne pas arriver à une idolâtrie, ou à de la magie.
Salle :
- La ligne est difficile je crois…
CR :
- Tout à l'heure je vous parlais de la dame hémorroïsse (je ne connais que les évangiles, c'est comme ça…) L'hémorroïsse, que dit-elle ?
Salle :
- Si je touche son manteau, je serai guérie.
CR :
- … la frange de son manteau, je serai guérie. Est-ce qu'elle vient franco de port et d'emballage, Madame ? Non, elle vient par derrière, subrepticement dans une foule immense, bon, vous essayez de vous imaginez, c'est pas la peine… et elle va toucher, c'est de la foi ou de la magie ?
Salle :
- De la magie…
- De la foi !
- C'est mélangé ?
(débat)
- Qui l'aurait fait ?
CR :
- Vous voyez que vous n'êtes pas d'accord ! Et pourquoi Madame n'êtes-vous pas d'accord ?
Salle :
- Ben parce que…
- Parce qu'elle est médecin !
(rires, débat)
CR :
- Elle a confiance, pratiquement en dehors de toute relation. Et elle veut toucher la frange. Il y a une modestie à avoir là aussi. Marc a été pris à la gorge par ce texte parce qu'il se dit, mon vieux, c'est de la magie ! Et Jésus qui dit : " Qui m'a touché ? " Parce qu'il sent qu'il y a une sorte de force qui était sortie de lui comme si elle lui avait échappé. Et bien Marc instaure un dialogue entre Jésus et l'hémorroïsse, et Jésus constate la foi de la femme. Mais a priori, ça a l'air d'être comme magique. Et dans la relation, après cela, se révèlera la foi. Nous ne savons pas, je ne sais pas ce qui se passe…
La question que vous posez Madame pour l'Amérique latine, tant pis si je vous choque, quand j'avais vingt ans et que je suis allée la première fois à Lourdes, je me la suis posée là bas. Parce que j'étais comme submergée par une dévotion populaire dont je me demandais ce qu'elle était, j'étais simplement pas assez vieille pour piger.
FM :
- Et alors maintenant (vous n'êtes pas encore vieille) vous dites quoi, quand vous retournez à Lourdes ?
CR :
- Je suis en route… Je respecte beaucoup plus cela. Je me dis, il y a des gens pour établir la relation avec le Christ, ils passent par cela. Il faut croire, il faut servir Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa force. Il y a des gens simples qui passent par cela et qui sont peut-être moins cérébraux que moi, que sais-je, et ça se respecte.
Salle :
- J'aimerais poser que question par rapport à l'impuissance que l'on peut avoir devant certains faits de la vie et comment la foi peut-elle nous porter. Par exemple, j'avais une grand-mère qui avait une foi qui débordait, qui soulevait les montagnes. Elle n'a jamais eu de doute, bon, tant mieux pour elle. J'ai trouvé assez extraordinaire, d'ailleurs elle nous a bercé là dedans et ça nous a beaucoup donné de confiance dans la vie. Par moments, elle disait : " C'est la providence qui a fait ça ! " Et quand il y avait un acte malheureux, on entendait rien. (rires) Par moments, je me demande comment Dieu permet cela, quand il y a des évènements où on est vraiment impuissant.
CR :
- C'est terrible. Et dans ces cas là il y a ces gens comme votre grand-mère qui prient et qui demandent le miracle, qui demandent que la montagne se jette dans la mer.
FM :
- Qui disent : " Viens à mon secours. "
CR :
- Qui disent : " Viens à mon secours, je crois, viens au secours de mon incrédulité, mais que l'on m'en sorte ! " Et ça, on n'en sort pas, extérieurement on en sort pas. Alors il n'y a pas (ce n'est pas lâche, ce que je vais dire, mais c'est comme ça), il n'y a pas de réponse, Madame. Il n'y a qu'une seule chose, c'est ça que dit Marc : " Il n'y a pas de réponse à pourquoi Dieu laisse faire cela. " En revanche, il assure le croyant de sa présence là dedans, et il y a que la foi du centurion, elle est dite en Jésus, au pied d'une croix. Mais sur la croix il n'y a pas que le monde entier, il y a aussi, Jésus. Et donc, il n 'y a pas de réponse : " Dieu a fait ça parce que ci, parce que ça. " Mais la réponse, c'est la présence. Dieu ne répond pas par un mécanisme, mais par l'assurance d'une présence. Si ça ne résout pas le problème, ça donne au moins un accompagnement, la certitude de l'accompagnement. Quand Jésus dit, dans Luc, quand il renvoie la pécheresse pardonnée, il dit : " Va en paix, retourne dans le monde. " Il ne lui dit pas tu vas sortir du monde et tout va bien aller, va en paix, c'est à dire, tu seras désormais accompagnée.
Salle :
- Je voulais dire qu'hier nous avons tous été très heureux à St-Merri parce que nous avons complètement changé l'expression de la célébration grâce à des centrafricains qui étaient là. Ils nous ont fait chanter, danser, nous avions beaucoup de mal parce que nous sommes coincés dans notre corps et eux pas du tout. C'était la joie et la transformation à St-Merri, les portes se sont ouvertes et enfin on a respiré. Donc l'expression de la foi, elle peut être autre, et nous amener à nous aussi quelque chose de très fort.
CR :
- Vous dites cela relativement aux différentes expressions de la foi. (…) Donc une foi célébrée de tout son coeur de toute son âme de toute sa force et de tout son esprit. (…)
Salle :
- Ma question porte sur les jeunes qui n'ont plus de foi. Comment les amener vers une certaine foi, sans glisser vers du n'importe quoi ?
CR :
- La réponse n'est pas dans l'évangile.
- Cet après-midi, j'ai été confronté à ça. Le lundi, je fais cours en lycée. Et culture religieuse en seconde, je vous assure que c'est décapant.
FM :
- On peut vous demander où c'est ?
CR :
- Oui, c'est dans le VIe Arrt., Sainte Geneviève, rue d'Assas, pas de mystère. J'ai des élèves…moyens, et bien, le sujet de notre dernière rencontre de l'année c'était : " besoin et désir, quelle est la différence ? " Je n'ai d'autre souci que de dire : si nous pouvions éveiller chez l'autre le désir et … simplement éveiller l'autre à la présence. Comment est-ce qu'on fait, je n'ai pas de recette. Et nous ne pouvons qu'être déjà là, déjà être présent, être en situation d'ouverture et de don, mais après…, après : vous imaginez ? Nous avons combien d'enfants et de petits enfants quand nous sommes là. Et combien parmi nous portent ce désir pour leurs enfants et petits enfants. Que faire sinon toujours le proposer et se souvenir que rien n'impose la foi. Pas même quand on est dans des situations terribles. Je rencontre des jeunes qui sont dans des situations épouvantables, qui sont comme l'hémorroïsse, comme Jaïre, au fond du trou. Et qui n'ont même plus l'espace pour un désir, dans l'état présent où ils sont tellement atteints. Alors, que voulez-vous, on fait comme dans l'épître de Jacques, on essaye d'offrir ce dont ils ont besoin immédiatement, ça peut être de la conversation… n'importe. Offrons le manteau, la chaleur et on verra après si …
Salle :
- Par rapport à cette idée, je pense qu'il ne faudrait pas qu'on juge cette démarche de CDD dans l'amour car je pense que tous nos projets amoureux à nous, êtres humains, se traduisent toujours en termes de CDD, c'est à dire que de notre côté, nous ne pouvons pas ne pas inscrire dans nos plus beaux projets d'amour le doute et l'idée que ça puisse s'arrêter. Et je crois qu'une des difficultés des jeunes dont vous parliez, c'est qu'ils se sentent jugés parce qu'ils commencent par exprimer leur projet amoureux, et en tête, ils sentent que ça peut rater.
CR :
- Hm hm.
Suite question :
- C'est vrai, moi je leur dis toujours quand il y a quelques années nous nous sommes parlés avec Blandine, je n'ai pas commencé à dire : " Ca va rater " ou " Ca peut rater. " Mais pour autant, je n'étais pas plus bête qu'un autre, je savais que ça peut arriver. Donc, ce que je voulais dire, c'est qu'il ne faut pas mépriser cette approche du projet amoureux en termes de CDD, telle qu'elle est formulée par nous ou par des plus jeunes, ou par les couples d'aujourd'hui. En dehors même du mépris, ne pas la juger, parce que je pense que notre attitude est toujours en termes de durée, 'il faut aussi que ça me rapporte' entre guillemets. Ce qui est en termes de CDI et c'est là, par rapport à des jeunes, vous disiez : " Qu'est-ce qu'on peut dire ? " l'appel, celui qui nous appelle. Et c'est là que ce que vous nous disiez sur le mot écoute, ça me frappe beaucoup. L'appel, donc la nécessité d'écouter cet appel, l'appel, lui il est en CDI, parce que Dieu lui n'est pas en CDD, et il nous lance sans cesse cet appel. La difficulté, c'est de nous faire comprendre à nous dans nos aventures amoureuses, ou aux plus jeunes dans leurs projets amoureux, qu'il est légitime qu'ils se posent en terme de durée déterminée, en terme de risque, en terme d'hésitation etc.… mais qu'il y a un appel, qui lui va pouvoir les aider à transformer leur période déterminée en indéterminée. Mais je trouve que trop souvent, et en particulier la manière dont certains messages de notre église sont reçus sur les échecs amoureux, méprise ce qui est immanquable chez tous, c'est la durée, c'est la limite, c'est la difficulté, alors que nous devrions, d'abord, mettre en valeur une chose, elle, indéterminée, c'est l'appel, et dans un couple (j'y pense par rapport à une intervention sur les couples " des couples si fragiles "), vous parliez d'écoute par rapport à la parole de Dieu mais c'est la même chose, là ! Donc, la manière de dépasser le CDD, c'est laisser la place à l'écoute. Sûrement à l'écoute de la parole, mais déjà à l'écoute de l'autre, de l'enfant et des parents. Je voulais réagir…
CR :
- Très bien,
Suite question :
- je crois qu'on est un peu d'accord là dessus, mais attention à nos manières trop faciles de dévaloriser l'approche de certains d'entre nous ou des plus jeunes en termes de risque, d'échec, de période, de durée déterminée. Je crois que ça fait partie de notre être humain, et encore plus au jour d'aujourd'hui. Et ce que disait Frédéric sur l'ambiance générale, que ce soit sur l'ambiance générale, sur le travail, les projets, on ne peut pas ne pas influer sur nos réactions dans le domaine de l'amour. Il n'y a pas de mépris ou de jugement à porter à ça. Il y a simplement à dire, pour moi en tous cas, dans ces projets à durée déterminée, il y en a un qui lui n'est pas à durée déterminée et c'est celui qui t'appelle.
CR :
- Oui, donc la présence est du côté de Dieu.
Même intervenant :
- Voilà.
CR :
- Ca certainement, oui.
Même intervenant :
- Je crois qu'il faut se le redire.
CR :
- Oui,
Même intervenant :
- Parce que les gens ne se sentent pas appelés ! (…pouvoir durer) Je m'arrête.
F.M :
- Une question qui est dans la droite ligne : " Qui appelle ? "
Intervenant :
- Je pense que c'est nos communautés qui sont capables de nous redire … et Dieu t'appelle ! Je me redis quand il y a des périodes de creux, toujours le début d'Isaïe où Dieu se fâche parce qu'une fois de plus on a fait des erreurs, on lui a offert des sacrifices c'est pas du tout ce qu'il voulait etc.… et à la fin de sa colère noire ou rouge (…) … il dit, et Dieu dit : " Viens et discutons. " Si, au coeur de leurs échecs, on disait d'avantage aux jeunes : " Mais Dieu te dit 'Viens et discutons' " ! Je suis sûr qu'on ne serait pas obnubilé par nos échecs mais par la possibilité de discuter (…)
Autre intervenant :
- Je voulais souligner la propriété des expressions CDI, CDD, dans C c'est contrat. Dans tout ce que vous dites, il n'y a pas de contrat dans la foi.
CR :
- Non…
Suite question :
- Quant à 'indéterminée' aussi c'est tout à fait inadapté, donc je pense qu 'il faudrait faire attention aux termes qu'on emploie, parce que finalement ça entraîne plus de choses que ça devrait.
CR :
- Oui, d'accord. Le mot c'est 'éphémère ", " disciple éphémère ". Cette idée de la persistance de la présence de Dieu et la difficulté de répondre avec la même persistance, si je peux me permettre, je vous soumettrais bien le texte n° 16. Moi je trouve ça épatant. C'est Pierre, alors une fois de plus, nous sommes à la fin, juste avant la Passion et Jésus dit à ses disciples : " Quand on sort vers le Mont des Oliviers, tous vous allez tomber. " Donc tous vous allez me planter là, tous vous allez échouer. " … Tous vous allez tomber, car il est écrit 'Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées.' " Donc Jésus évoque le lieu le plus profond de l'abandon des disciples. Et au coeur même de cet abandon, au coeur même de l'annonce de l'échec, est inscrite l'espérance. Parce qu'il ajoute : " Mais une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. " Pierre lui dit : " Même si tous tombent, et bien pas moi. " Mais Jésus lui dit : " En vérité je te le déclare aujourd'hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois. " Mais lui affirmait de plus belle : " 'Même s'il faut que je meure avec toi, non je ne te renierai pas', et tous en dirent autant. " Au coeur même de l'annonce de la défection des disciples, est posée la certitude de la présence de Jésus, et de sa présence qui les précède sur les chemins. Ce qui signifie, qu'il y a toujours une présence de Jésus, même quand l'autre échoue, donc même si on n'arrive pas à tenir, et la promesse que tous les liens brisés seront renoués. Au lendemain de Pâques, même si Pierre a renié, même si tous se sont enfuis, si le jeune homme a détalé en laissant son drap (vous connaissez cet épisode ?) entre les mains de ceux qui venaient l'arrêter, au lendemain de Pâques, le Christ revient, et précède ceux qui ont pu avoir une défaillance, et il continue de leur présenter, de leur proposer sa présence et sa miséricorde pour renouer.
Salle :
- Je pense que vous aurez eu aujourd'hui une journée assez singulière : vous êtes passée de vos collégiennes à une assemblée où il y a beaucoup de têtes grises quand il y a encore des cheveux ! (rires) Oui, justement, parce que nous vieillissons, j'ai l'impression de partager avec d'autres que plus on avance, plus on doit croire l'humilité en soi. En particulier, si on revient à la parabole du semeur et si je m'interroge, je ne dirai pas que j'ai été tel terrain ou plutôt tel autre parce que j'ai été tous les terrains. Enfin, j'espère avoir été de temps en temps de la bonne terre, mais je n'en suis pas sûr ! Ce qu'il y a, cette humilité, nous amène à penser (je ne sais pas si tout le monde sera d'accord) qu'il faut effectivement faire très attention à la façon dont, non pas nous jugeons les autres, mais dont nous apprécions la qualité de leurs actes. Parce que je ne veux juger personne ; je peux juger des attitudes, je peux juger des paroles, mais certainement pas des personnes. Et, ici, j'ai eu l'impression que, de temps en temps, à St-Merri, avec cette assemblée de gens qui sont plutôt… intellectuels, on était pas toujours très charitable vis à vis des pèlerins de Lourdes ou des évangélistes (rires) ou…
CR :
- Vous avez tout à fait raison.
Suite question :
- J'ai l'impression que je n'ai pas été suffisamment humble vis à vis de ces frères en humanité et je pense que c'est quelque chose qui nous menace un peu en tous cas.
CR :
- A Lille, où j'enseigne, le prof d'ancien testament est un pasteur de l'Eglise Réformée. Je lui demandais : " comment, dans la communion des églises issues de la réforme, arrivez-vous à vous entendre avec des gens aussi différents : vous de l'Eglise Réformée, les luthériens, vous avez une compréhension de la Bible qui ressemble à la mienne. Mais vous avez aussi ces mouvements protestants fondamentalistes. Comment faites-vous " ? Il me dit : " Le grand pari, c'est de ne s'arrêter qu'au meilleur de ce que nous avons chacun ". Mais c'est vrai que ça demande un dépouillement. Vous imaginez des fondamentalistes qui font route commune avec des sortes de congressistes (je ne sais pas si on peut dire cela comme ça), des gens qui prennent la Bible au pied de la lettre et des gens qui en font l'exégèse. Comment vivre, progresser ensemble, être en communion ?
Suite question :
- Il y aura toujours un verre d'eau, quelle que soit la difficulté…
CR :
- Oui…
Question :
- J'aimerais simplement faire remarquer que dans l'annonce du reniement de Pierre il y a certainement la certitude de la présence de Jésus, il y a aussi la certitude que les apôtres vont tomber.
CR :
- Oui, la certitude que les disciples vont tomber, la certitude aussi, Marc le dit : " Votre foi sera soumise à l'épreuve. " Votre jugement sera mis à l'épreuve, vous serez comme Jean, où il y a des moments, vous vous approprierez Jésus. Mais toujours, Marc le dit, à la fin, quand il fait ce truc du chapitre 14 verset 28, il dit : " Vous ne pourrez pas venir à bout de la miséricorde et à tous les échecs, même l'abandon total de ma personne de Jésus, même à cela, il n'y a d'autre réponse que la miséricorde qui renoue tout. " Et toi (c'est pas moi qui cause, là, c'est Marc), au moment où tu t'apprêtes à juger, à prendre les mauvais mots ou je ne sais pas quoi, souviens-toi des larmes de Pierre " souviens-toi de son reniement, souviens-toi de ses larmes et souviens-toi de la miséricorde qui lui a été faite. " Au moment où tu as envie de critiquer (vous vous mettez en 70), avec Marc, il connaît des gens qui ont renié Jésus, qui ont trahi les autres, qui les ont dénoncé (sans doute !). Il dit au moment où tu as envie de taper sur le dos de l'autre, souviens-toi des larmes de Pierre, souviens-toi de son reniement, et vois ce qu'on a pu faire malgré tout.
FM :
- Autrement dit, pour aller plus loin, Judas n'est pas en enfer.
CR :
- J'espère que non, mais… j'espère que non.
Question :
- Je parle pour moi, mais je pense que l'idée de la fidélité de la foi, c'est le sentiment parfois de doute de la présence. Parce qu'on a l'impression que Dieu est un soleil caché par les nuages. Alors on peut savoir, par la foi, qu'il est derrière les nuages, mais parfois les nuages sont bien sombres et très longtemps sombres.
CR :
- Bon. Justement ! A propos vous savez la foi de la Cananéenne, là ! Quand Jésus la rabroue et lui dit : " Il n'est pas bon que les petits enfants voient leur pain mangé par les chiens. " C'est quand même assez raide et peu sympathique. Un auteur allemand dit : " La vraie foi ne saurait être troublée même si Dieu semble voiler sa face. " C'est vrai ! Tous les mystiques l'on dit. Saint-Augustin (je crois) : " Une foi qui ne doute pas est une foi morte. " Et le père de l'épileptique dit ça : je crois et en même temps je suis toujours susceptible d'être assailli par l'incrédulité. Et finalement la foi doit être humble. La foi qui est une certitude bétonnée, elle se brise.
Suite question :
- certains disent : " Tu es la source. " Mais c'est une source de nuit.
CR :
- Oui
FM :
- La nuit de la foi fait partie de la foi. Tous les mystiques l'ont dit.
CR :
- La foi qui est sûre d'elle-même tombe. La foi existe en doutant d'elle-même donc en étant toujours à demander à Dieu.
Question :
- Et quelle différence entre la foi et l'autosuggestion ?
- Parce que la nuit des mystiques c'est commode pour expliquer leurs doutes… (…) C'est très difficile à vivre… Pourquoi récupérer la foi ?
CR :
- Il n'y a pas de réponse. Pour arriver à distinguer la foi et l'autosuggestion, il faut arriver à pratiquer finalement. C'est dans l'expérience qu'on arrive à distinguer les choses. Est-ce que l'autosuggestion peut vous apporter la paix ? Je ne sais pas, je ne suis pas psycho-…
Salle :
- Non. Moi j'aurais dit que la foi c'est un désir et qu'avec l'autosuggestion je cherche à combler mon désir. Or la foi…
- C'est jamais acquis.
- C'est toujours en marche…
- L'autosuggestion c'est une forme de méthode Couet, mais ça marche pas là dedans … (rires)
CR :
- Mais c'est peut être que l'autosuggestion alors ressemble plus à cette foi qui se veut bétonnée. Il y a des gens qui disent (il ne s'agit pas de juger) : " Moi je ne doute pas. " Peut être c'est vrai, votre grand-mère était une femme de foi et avec toute la simplicité elle disait : " Je ne doute pas ". J'ai une mère, je crois qu'elle ne doute plus beaucoup. Mais l'autosuggestion ça peut être ça aussi. On ne laisse pas de place pour un doute.
Salle :
- A propos, toujours sur " foi et doute ", j'ai lu un petit passage qui m'a beaucoup troublé, du Cardinal Ratzinger avant qu'il soit Benoît XVI qui disait : " Le doute du croyant ou le doute de l'incroyant sont finalement des lieux de communion ". Et dans ce doute là, il peut se passer quelque chose de très profond, là où les certitudes tombent et là où il y a une vraie recherche. Et ça m'a touchée.
CR :
- Je crois effectivement que le lieu du doute, c'est le lieu où le désir peut naître. Et c'est ce lieu que vous trouverez de commun avec des jeunes qui ont tant parfois des problèmes.
Salle :
- C'est un manque de confiance…
CR :
- Oui… Ce qui est difficile dans la foi, c'est que tôt ou tard, il y a une sorte de lâcher prise, on fait le pari de la confiance. Et ça, dans notre monde, ça n'est pas facile. Beaucoup de choses démentent la confiance. Et quand je parle avec mes élèves de seconde, ils ne sont pas tout jeunes, pas tout vieux, je suis frappée par leur grande difficulté à faire confiance, même à leurs proches, alors la foi ça doit être terrible.
Salle :
- C'est quelque chose qui est très courant dans la vie professionnelle, ne pas faire confiance à un autre : je lui donne un certain travail et de toute façon on reste persuadé que si on le faisait, il serait mieux fait. Je crois que si on donne confiance, ça permet de réaliser des choses. S'il n'y a pas de confiance, on ne peut pas espérer une réussite quelconque.
CR :
- La confiance, c'est s'abandonner à, c'est s'en remettre à et donc croire que l'autre effectivement est capable de faire des choses bien, que ce soit l'autre au boulot ou même que ce soit Dieu.
FM :
- Est-ce qu'on peut dire que ce sera le mot de la fin ?
Salle :
- (...) On a parlé ensemble de foi et d'amour, les deux sont liés. Mais de manière parfois un peu dangereuse, par exemple dans les conversations qu'on a avec les jeunes, avec les adolescents. S'ils nous posent la question de la foi, on répond sur l'amour et réciproquement. Le fait d'avoir deux mots pour une expérience humaine que nous nous percevons comme unique, donc la même, montre qu'il y a une grosse part de mystère, c'est mon impression. Ma question est donc comment l'évangile vous permet de creuser un peu plus cette dialectique entre ces deux mots ?
CR :
- Entre les deux mots aimer et croire. Dans le texte que vous avez (numéro 7), on demande ce qui est essentiel. Quand on dit (souvent on traduit) : " Quel est le premier de tous les commandements ? " Mais en fait, c'est : " Quel est le premier commandement de tout ? " Qu'est-ce qui fonde notre monde, quel est l'essentiel, le pilier ? Et Jésus répond par une confession de foi : " Le Seigneur notre Dieu est l'unique. " Il y a là une ouverture sur Dieu, pas n'importe lequel, celui d'Israël, ce Dieu unique, auquel on peut… que l'on doit ! (puisqu'il est unique), on est invité (pas doit) à l'aimer, mais pas à l'aimer n'importe comment. Je suis appelée à l'aimer de tout mon cœur, c'est à dire jusqu'au lieu le plus intime de ma décision, de toute mon âme, c'est à dire de toute ma vie, cette vie que je peux donner, pour lui, pour vous, de toute ma pensée, c'est à dire de toute mon intelligence ! Et puis de toute ma force, ce que l'on traduit souvent par de toute ma possession, de tout mon avoir. Qu'est-ce que vous voulez que Dieu fasse de mon avoir… Il y a donc toute ma personne qui est engagée dans le service de Dieu. Ce qu'il y a aussi, c'est qu'on me renvoie au nom de Dieu, pour concrétiser cet amour. Donc ce qui est foi, doit prendre corps. La foi n'est pas idéologie justement, elle doit prendre corps, et aimer Dieu et le prochain. Je sers Dieu en servant le prochain, c'est pourquoi quand je disais que le Règne de Dieu nous avons à le concrétiser par la mise à disposition de notre personne dans la foi à Dieu, ça se fait à travers des choses simples. C'est ce que dit Marc, quand il dit, ne jouez pas aux petits chefs, Dieu est unique, c'est lui qui vous donne le modèle de ce qu'est la foi, Jésus, et Jésus dit dans son abandon à Dieu, sa foi en Dieu : " Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. " L'abandon à Dieu est l'abandon aux frères. Le don de soi, la confession de foi, la reconnaissance de l'unicité de Dieu et donc, dans le Christianisme, de Jésus, etc.… suppose l'ouverture au prochain, la foi doit prendre corps. Je vous ai mis ces texte pour cette raison : la foi prend corps dans le respect du prochain, comme je suis appelée à respecter et aimer Dieu. Par exemple, service, ne pas objectiver le prochain par la répudiation et ainsi de suite. C'est comme ça Monsieur que j'articule.
FM :
- Voilà…
Salle :
Applaudissements.

Marie-Odile Barbier-Bouvet :
- La prochaine séance des mots de la foi aura lieu le 6 octobre, nous accueillerons Roseline Dupont-Roc, qui nous parlera de Jésus, puisque certains ont dit " la foi c'st Jésus ".
CR :
- Et elle a fait Saint Luc ! Chez le même éditeur…
FM :
- On aura fait toute la collection ! C'est un coup de l'éditeur !


" La foi, c'est l'amour "
Aspects de la foi dans l'évangile selon Marc


Quelle confession de foi ?

1 La confession de Pierre : 8,27-33
27Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée de Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples: " Qui suis-je, au dire des hommes ? " 28Ils lui dirent: " Jean le Baptiste; pour d'autres, Elie; pour d'autres, l'un des prophètes. "29Et lui leur demandait: " Et vous, qui dites-vous que je suis ? " Prenant la parole, Pierre lui répond: " Tu es le Christ. " 30Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne.
31Puis il commença à leur enseigner qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. 32Il tenait ouvertement ce langage. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander.
33Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : " Retire-toi! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes."

2 La proclamation du centurion : Mc15,37-39
Mais, poussant un grand cri, Jésus expira. Et le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas. Le centurion qui se tenait devant lui, voyant qu'il avait ainsi expiré, dit : Vraiment, cet homme était Fils de Dieu.

3 La vocation du disciple : 3,13…16
13…Il appelle ceux qu'il voulait. Ils vinrent à lui 14et il les fit Douze pour être-avec-lui et pour les envoyer prêcher 15avec pouvoir de chasser les démons.

4 La foi qui surmonte les obstacles et ne s'impose pas
Jésus partit de là. Il vient dans sa patrie et ses disciples le suivent. 2Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Frappés d'étonnement, de nombreux auditeurs disaient: "D'où cela lui vient-il ? Et quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, si bien que même des miracles se font par ses mains? 3N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Josès, de Jude et de Simon? et ses soeurs ne sont-elles pas ici, chez nous?" Et il était pour eux une occasion de chute. 4Jésus leur disait: "Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison." 5Et il ne pouvait faire là aucun miracle; pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains. 6Et il s'étonnait de ce qu'ils ne croyaient pas. (Mc 6,1-6a)

L'expérience de la foi quotidienne
5 La guérison de l'épileptique : 9,14-29
14Lorsqu'ils furent arrivés près des disciples, ils virent autour d'eux une grande foule, et des scribes qui discutaient avec eux. 15Dès que la foule vit Jésus, elle fut surprise, et accourut pour le saluer. 16Il leur demanda: De quoi discutez-vous avec eux ? 17Et un homme de la foule lui répondit: Maître, j'ai amené auprès de toi mon fils, qui est possédé d'un esprit muet. 18En quelque lieu qu'il le saisisse, il le jette par terre; l'enfant écume, grince des dents, et devient tout raide.
J'ai prié tes disciples de chasser l'esprit, et ils n'ont pas pu.
19Engeance incrédule, leur dit Jésus, jusqu'à quand serai-je avec vous ? jusqu'à quand vous supporterai-je ? Amenez-le -moi. On le lui amena. 20Et aussitôt que l'enfant vit Jésus, l'esprit l'agita avec violence; il tomba, et se roulait par terre en écumant. 21Jésus demanda au père: Combien y a-t-il de temps que cela lui arrive ? Depuis son enfance, répondit-il. 22Et souvent l'esprit l'a 'a jeté dans le feu et dans l'eau pour le faire périr. Mais, si tu peux quelque chose, viens à notre secours, aie compassion de nous. 23Jésus lui dit: Si tu peux!... Tout est possible à celui qui croit. 24Aussitôt le père de l'enfant s'écria: Je crois ! viens au secours de mon incrédulité! 25Jésus, voyant accourir la foule, menaça l'esprit impur, et lui dit: Esprit muet et sourd, je te l'ordonne, sors de cet enfant, et n'y rentre plus. 26Et il sortit, en poussant des cris, et en l'agitant avec une grande violence. L'enfant devint comme mort, de sorte que plusieurs disaient qu'il était mort. 27Mais Jésus, l'ayant pris par la main, le fit lever. Et il se tint debout. 28Quand Jésus fut entré dans la maison, ses disciples lui demandèrent en particulier: Pourquoi n'avons-nous pu chasser cet esprit ? 29Il leur dit: Cette espèce -là ne peut sortir que par la prière.
6 L'idéal de la foi : 11,22-24
22Jésus leur répond et dit: "Ayez foi en Dieu. 23En vérité, je vous le déclare, si quelqu'un dit à cette montagne: ‹Ôte-toi de là et jette-toi dans la mer›, et s'il ne doute pas en son coeur, mais croit que ce qu'il dit arrivera, cela lui sera accordé. 24C'est pourquoi je vous déclare: Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et cela vous sera accordé.

Une foi active, aimante
7 Le plus important : " La foi, c'est l'amour " - 12,28-34
28Un scribe s'avança. Il les avait entendus discuter et voyait que Jésus leur avait bien répondu. Il lui demanda: "Quel est le premier de tous les commandements?" 29Jésus répondit: "Le premier, c'est: Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur; 30tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. 31Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là." 32Le scribe lui dit: "Très bien, Maître, tu as dit vrai: Il est unique et il n'y en a pas d'autre que lui, 33et l'aimer de tout son coeur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices." 34Jésus, voyant qu'il avait répondu avec sagesse, lui dit: "Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu." Et personne n'osait plus l'interroger.

8 L'attention fraternelle : 9,41-43
41Quiconque vous donnera à boire un verre d'eau parce que vous appartenez au Christ, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense. 42"Quiconque entraîne la chute d'un seul de ces petits qui croient, il vaut mieux pour lui qu'on lui attache au cou une grosse meule, et qu'on le jette à la mer. 43Si ta main entraîne ta chute, coupe-la ; il vaut mieux que tu entres manchot dans la vie que d'aller avec tes deux mains dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint pas…

" Donner corps " à la foi

9 A la suite de Jésus, le Fils de l'homme : Mc 8,34s
Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive. 35En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera…

10 Qui est le plus grand ? (9,33-37)
33Ils arrivèrent à Capernaüm. Lorsqu'il fut dans la maison, Jésus leur demanda: De quoi discutiez-vous en chemin ? 34Mais ils gardèrent le silence, car en chemin ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
35Alors il s'assit, appela les douze, et leur dit: Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. 36Et il prit un petit enfant, le plaça au milieu d'eux, et l'ayant pris dans ses bras, il leur dit : 37Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants me reçoit moi-même; et quiconque me reçoit, reçoit non pas moi, mais celui qui m'a envoyé.

11 L'exorciste étranger : Mc 9,38-41
38Jean lui dit: Maître, nous avons vu un homme qui chasse des démons en ton nom; et nous l'en avons empêché, parce qu'il ne nous suit pas. 39Ne l'en empêchez pas, répondit Jésus, car il n'est personne qui, faisant un miracle en mon nom, puisse aussitôt après parler mal de moi.
40Qui n'est pas contre nous est pour nous. 41Et quiconque vous donnera à boire un verre d'eau en mon nom, parce que vous appartenez à Christ, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense. 42"Quiconque entraîne la chute d'un seul de ces petits qui croient, il vaut mieux pour lui qu'on lui attache au cou une grosse meule, et qu'on le jette à la mer…

12 Mariage et divorce : 10,1-12
Partant de là, Jésus va dans le territoire de la Judée, au-delà du Jourdain. De nouveau, les foules se rassemblent autour de lui et il les enseignait une fois de plus, selon son habitude. 2 Des Pharisiens s'avancèrent et, pour lui tendre un piège, ils lui demandaient s'il est permis à un homme de répudier sa femme. 3 Il leur répondit: "Qu'est-ce que Moïse vous a prescrit?" 4 Ils dirent: "Moïse a permis d'écrire un certificat de répudiation et de renvoyer sa femme." 5 Jésus leur dit: "C'est à cause de la dureté de votre coeur qu'il a écrit pour vous ce commandement. 6 Mais au commencement du monde, Dieu les fit mâle et femelle; 7 c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, 8 et les deux ne feront qu'une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. 9 Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni." 10 À la maison, les disciples l'interrogeaient de nouveau sur ce sujet. 11 Il leur dit: "Si quelqu'un répudie sa femme et en épouse une autre, il est adultère à l'égard de la première; 12 et si la femme répudie son mari et en épouse un autre, elle est adultère."

13 Accueillir : Mc 10,13-16
13 Des gens lui amenaient des enfants pour qu'il les touche, mais les disciples les rabrouèrent. 14En voyant cela, Jésus s'indigna et leur dit: "Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. 15En vérité, je vous le déclare, qui n'accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n'y entrera pas." 16Et il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

14 Troisième annonce de la passion : Mc 10,32-34
32Ils étaient en chemin pour monter à Jérusalem, et Jésus allait devant eux. Les disciples étaient troublés, et le suivaient avec crainte. Et Jésus prit de nouveau les douze auprès de lui, et commença à leur dire ce qui devait lui arriver : 33Voici, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes. Ils le condamneront à mort, et ils le livreront aux païens, 34qui se moqueront de lui, cracheront sur lui, le battront de verges, et le feront mourir; et, trois jours après, il ressuscitera.

15 La demande de Jacques et Jean : Mc 10,35-45
35Les fils de Zébédée, Jacques et Jean, s'approchèrent de Jésus, et lui dirent: Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous te demanderons. 36Il leur dit: Que voulez-vous que je fasse pour vous ? 37Accorde-nous, lui dirent-ils, d'être assis l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, quand tu seras dans ta gloire.
38Jésus leur répondit: Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, ou être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? Nous le pouvons, dirent-ils. 39Et Jésus leur répondit: Il est vrai que vous boirez la coupe que je dois boire, et que vous serez baptisés du baptême dont je dois être baptisé; 40mais pour ce qui est d'être assis à ma droite ou à ma gauche, cela ne dépend pas de moi, et ne sera donné qu'à ceux à qui cela est réservé.
41Les dix, ayant entendu cela, commencèrent à s'indigner contre Jacques et Jean. 42Jésus les appela, et leur dit: Vous savez que ceux qu'on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les dominent. 43Il n'en est pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur; 44et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit l'esclave de tous.
45Car le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de beaucoup.
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16 Croire à la miséricorde : Annonce du reniement de Pierre : Mc 14,26-31
26Après avoir chanté les psaumes, ils sortirent pour aller au mont des Oliviers. 27Et Jésus leur dit : " Tous, vous allez tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. 28Mais une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. " 29Pierre lui dit: " Même si tous tombent, eh bien ! pas moi ! " 30Jésus lui dit: " En vérité, je te le déclare, toi, aujourd'hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois. " 31Mais lui affirmait de plus belle : " Même s'il faut que je meure avec toi, non, je ne te renierai pas. " Et tous en disaient autant.