Les groupes Carême
 

 

LES PASSAGES,LES TRAVERSEES DE NOS VIES

A l'occasion de notre traversée du Carême, de notre montée vers Pâques, à l'instar du "peuple qui marchait dans les ténèbres et a vu se lever une grande lumière" (Isaïe) et des hébreux invités à faire mémoire de leur sortie du pays d'esclavage, nous sommes conviés à partager comment nos passages nous transforment et ainsi peut-être, à mieux entendre ce qu'ils ont pu ouvrir dans nos vies. Chaque traversée douloureuse ou heureuse, que ce soit une rencontre, un amour, un départ, un deuil, la lutte pour un projet, une lecture … nous a transformé.

Ainsi, dans notre parcours il y a eu des " avants ". Il y a eu des " après ". Ces passages ne peuvent-ils nous mener vers l'insu de nous-mêmes ?
Nous faisons le pari que prendre le temps d'une écoute partagée de ces tournants de notre histoire (aussi modestes qu'ils puissent paraître) peut être un appui et un appel pour l'avenir.

Belle traversée à vous ! L'équipe de préparation :
Marie-Josée et Jacques LEDRU, Alexandra NÈGRE, Didier PÉNY



Questions pour la 1ère rencontre : Faire mémoire

Quelles sont :
- les traversées, les passages qui ont transformés mon existence?
- Dans ces expériences, qu'est-ce qui a re-ssuscité la vie ?

Proposition de textes pour soutenir les échanges :

- Transformation
Ce que je voudrais montrer c'est que le passage ou le transfert à la vie divine, à la vie même de Dieu qui s'opère non pas seulement après la mort mais tout au long de la vie, implique toujours une mort et une nouvelle naissance ou une résurrection (…) Il s'agit de comprendre qu'une croissance n'est pas un grossissement mais toujours une transformation… (exemples : l'enfant devient adulte, la chenille devient papillon, le grain de blé devient épi).
Dans notre vie il y a deux passages : le premier est notre naissance humaine (…) Passage prodigieux déjà, passage du néant à l'existence humaine qui est une existence intelligente et libre. Mais ce passage n'est que la condition d'un second passage . Ce second passage ne se fait pas sans nous, il s'accomplit tout au long de la vie, par transformations successives.

D'après F. Varillon - Joie de Croire, joie de vivre

- L'autre rive c'est ce versant de nous-mêmes
Encore inconnu,
Cette part de soi qu'on cache
Ou qu'on feint d'ignorer,
Mais dont l'ignorance nous maintient à mi-chemin
De notre vérité.

L'autre rive, c'est la part sauvage,
La part hostile que nous portons tous
Et qui attend d'être aimée,
Sous peine de demeurer à jamais orpheline,
Et de nous priver de toute une part
De nos plus élémentaires ressources.

L'autre rive est celle qui nous attend
Inexorablement,
Si nous ne nous dérobons pas,
Si nous restons fidèles à l'insondable obscurité
Des chemins de l'existence.

L'autre rive, c'est l'épreuve, la souffrance, la mort…
Et cette voix-qu'on peut refuser d'entendre-
Mais qui n'en murmure pas moins inlassablement :
" Un autre te mènera… " (…)

Voilà le lieu de paix que la tempête a fait
De mon cœur.
Et je me prends à murmurer :
Plus libre, plus aimant
Que je n'aurais jamais osé être.
Qui fait de l'Insondable la porte de mon cœur.

Paul Baudiquey - Pleins Signes

- Evangile de Jésus-Christ selon St-Jean - Chapitre 3 (TOB).

Il y avait parmi les pharisiens, un homme du nom de Nicodème, un des notables juifs. Il vint, de nuit, trouver Jésus et lui dit : "Rabbi, nous savons que tu es un maître qui vient de la part de Dieu, car personne ne peut opérer les signes que tu fais si Dieu n'est pas avec lui." Jésus lui répondit : "En vérité, en vérité, je te le dis : à moins de naître d'en-haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu". Nicodème lui dit : "Comment un homme pourrait-il naître s'il est vieux ? Pourrait-il enter une nouvelle fois dans le sein de sa mère et naître ?" Jésus lui répondit : "En vérité, en vérité, je te le dis : nul, s'il ne naît d'eau et d'Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne pas si je t'ai dit : "Il vous faut naître d'en-haut". Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit.

- Vous débaucher. Je veux. Vous mettre en presque chômage. Vous inciter à descendre dans vos cavernes murées. Non pas moi, mais la voix intraitable qui est en vous. Afin que votre pensée souterraine émerge et fasse craquer vos idées claires, tandis que frappe à la porte l'inconnu muet. Comme il arrive qu'une nuit, un rêve
déchirant de beauté survienne, annonciateur de l'impossible-possible qui va vous faire signe.
(…) Accueillir la vie, blessures, se laisser toucher, prendre, jouer le jeu du désir, dans la conscience que tout est passage. L'illusion n'est que dans l'arrêt. L'appel traverse le désir qui de toute façon nous conduit à la nudité.

Jean Sulivan - Matinales II - La traversée des illusions

- Ce qui m'étonne toujours, c'est l'effet qu'a produit telle ou telle parole que j'ai pu avoir, plusieurs années auparavant, à tel ou tel endroit, tel ou tel mot prononcé par hasard. Ce mot, par la suite, a germé, a grandi, est devenu chez d'autres à mon insu toute une végétation, s'est substitué pour eux à ma présence physique, moi qui, pendant ce temps-là, était ailleurs, occupé à mille autres choses. Je rencontre des gens qui m'avouent, en des moments d'attendrissement, que depuis leur jeunesse ils portent, il pouponnent une ou deux de mes phrases...

Dezso Kostztolanyi - Cinéma muet avec battement de coeur


Questions pour la 2ème rencontre : Ce que les traversées, les passages évoqués ont ouverts dans nos relations

Qu'est-ce que ces expériences ont re-ssuscité en nous ?
Qu' ont-elles changé dans notre rapport à
- nos proches
- au monde
Qu'est-ce que cela a fait bouger dans notre foi au Christ ?

Proposition de textes :

- "L'un des grands intérêts du Chemin (de Compostelle) est de libérer les individus qui l'empruntent. Libération par rapport à la condition sociale pour beaucoup, par rapport à l'église pour certains. Il n'y a pas de condition sociale sur le Chemin. C'est un passage libérateur car rien n'asservit l'homme qui marche. Plus on sort de soi (le soi de la culture, de l'éducation, de la famille, de la société, etc…) et plus on devient soi-même. Plus on allège son sac - sa vie - pour ne garder que l'essentiel et mieux l'on avance".

Laurence Lacour Jendia, Jendé Tout homme est homme sur le chemin de Compostelle

- Pour la plupart d'entre nous, la vie est faite de crises, de cassures, de séparations, d'évènements inattendus heureux et malheureux comme les maladies et les accidents. La mort semble apparaître continuellement tout au long de la vie. En chinois, le mot crise veut dire danger mais aussi occasion. Il y a peut être danger de mort mais aussi il y a occasion pour l'éclosion d'une nouvelle vie, d'une renaissance. En grec, il signifie la nécessité d'avancer, de faire un choix pour sortir d'une situation bloquée.

Jean Vanier - Tout homme est une histoire sacrée

- La reconnaissance de nos propres traversées, lieu d'ouverture, source d'engagement.
Il semble que de prendre totalement en compte les traversées joyeuses ou douloureuses de notre histoire participe du passage auquel le Christ nous entraîne. Lui même, n'a-t-il pas risqué de tout assumer, tout transfigurer, tout relever ? C'est sans doute par cette attitude intérieure d'accueil, située résolument hors jugement et évaluation, que naissent nos engagements les plus profonds. En ce lieu où nous entendons complètement ce qui nous affecte, nous pouvons être vraiment affectés par d'autres que nous, nous pouvons être conduits à une sortie vers l'inattendu, poussés à nous é-mouvoir hors de nos enfermements.

De fait, que seraient nos solidarités si elles ne prenaient leur source au cœur de notre propre réalité? Que seraient-elles si elles n'accueillaient pas tout à la fois, la prodigieuse altérité de chaque personne et son inaltérable proximité ?

Quand nous trouvons joie à tenir le dialogue au coeur de ces tensions l'engagement qui se décide change de visage !

Sans doute ce ne sont pas nos souffrances en elles-mêmes, ni même nos réussites qui nous permettent de nous faire proches d'autres passants, plutôt leurs traversées, même modestes ! Car nous voilà juste un peu plus présents, encore dans l'étonnement d'être là. Du passage nous avons gardé ouverte la brèche et nous avons creusé la soif des relations qui réveillent, assument et passent avec nous la vie, la mort, la violence, l'habitude.

Tour à tour passants et passeurs, ne nous arrive-t-il pas d'être en position d'entendre - ou de dire : " Tu n'es peut-être pas allé par là où je passe, et je ne te le demande pas. Tu ne peux franchir quoi que ce soit à ma place, mais je te sais présent, à ta mesure, bien vivant après tous tes propres passages au désert ou tes jours de liesse. Ta façon d'être debout coûte que coûte, ta façon de faire aussi, ne méprise ni ma colère, ni mes "clocheries", ni mes bonheurs... Bien au contraire, ton regard fait signe, m'aide à croire que du nouveau est toujours possible ".

Alexandra Nègre
(texte en partie inspiré par la lecture d'ouvrages de Lytta Basset)


- Donnons congé à notre passé ! Toutes ces choses familières que nous avons aimées un jour ne sont plus que vieilleries encombrantes. Il faut nous en séparer, joyeusement. Célébrer la victoire de la vie sur la mort. (…)
Ce sont des moments d'intense remaniement intérieur. Ils nous entraînent à explorer des chemins jamais parcourus, à rouvrir des pistes mal balisées, à oser franchir des obstacles qui paraissaient impossibles à affronter. Ils nous conduisent au-delà de nous-mêmes.

Lydia Flem - Comment j'ai vidé la maison de mes parents.

- L'alpinisme est cette activité géographique qui permet non pas de contourner un obstacle, mais de l'affronter et de le parcourir jusqu'à son point le plus éloigné, le sommet. Les montagnes sont des barrages que l'intelligence humaine a toujours forcés à l'endroit le plus bas et le plus faible pour en tirer une voie de passage. Mais pour l'alpiniste, la montagne n'est pas la barrière qui encombre la voie de communication, c'est le but entier du voyage.

Erri de Luca


- Il arrive qu'il (le chrétien) soit éprouvé jusqu'à " passer par le feu ; et loin que ce soit signe d'une foi médiocre ou d'une charité molle, ce peut être, au contraire, le grand chemin. (…) Mais l'illusion des illusions serait de croire que la purification est faite à coups d'efforts (…). Ce que le travail purifiant et justement en cause, c'est cette prétention à mener selon nous-mêmes, à notre guise et sous notre maîtrise, ce grand, profond, irrésistible détachement où il faut bien venir, de ce que nous avions fait de Dieu. (…) Ce n'est pas régional ; ce n'est pas une crise religieuse (…) C'est beaucoup plus, à la racine de l'être humain. (…) Il n'y a pas de position de repli, de zone intacte. Ce qui aussi bien signifie qu'il faut qu'il y ait passage, coûte que coûte. Il y va d'être sauf, il y va du salut !
Peut-être alors s'annonce ou intervient ce qui est en cause dans la croix du Christ : vraiment, la mort de l'homme et, plus fortement encore, le mort en l'homme de la toute primordiale source - le nom du Père - qui lui donnait de supporter la mort elle-même. Dans l'espace blanc du Samedi saint, l'absence est infinie : le Verbe, où se voyait le visage du Père, est mort. L'être est déréliction.
Ruine du Temple, sabbat de la décréation : est en suspens la naissance de l'homme. C'est seulement si la croix a cette force que l'autre versant, la vie, pourra être l 'amour sans mesure et non la chose pieuse à laquelle sont attachés les chrétiens. (…)
L'enjeu, c'est la genèse de l'homme. Mais, pour qui passe le mur du feu, ceci n'est pas du tout le beau langage où il pourrait se complaire. Ce n'est qu'anticipation, espoir, lueurs insaisissables dans la nuit (…) pour l'heure, il n'a à vivre que ses jours gris, l'un après l'autre.
Et ce qui s'offre à lui, ce sont choses d'homme, très simples, élémentaires, comme d'avoir le courage de la vérité, ne pas affirmer plus qu'il ne peut, mais pas moins non plus ; et de laisser devant lui les possibles qu'il ne maîtrise pas. Et ce qu'il n'entend plus - l'Evangile, par exemple -, de ne pas prétendre que ça n'a pas de sens ; mais de ne pas non plus prétendre trouver du sens là où tout est devenu opaque. (…)
Ou encore, c'est avoir soin d'autrui, avoir souci d'autrui, se faire proche. (…) Mais peut-être que l'amour n'est pas d'abord commandement mais don (…) S'il manque ? Oh, peut-être avoir l'humilité de connaître en nous ce manque et sa douleur. (…) Chose d'homme, encore, et si banale et en même temps si forte, que de porter la vie jour après jour. Surtout quand viennent les moments durs. (…)
Si quelque chose alors reparaît de l'Evangile, il se peut, il est (…) probable que ce sera dans une simplification extrême. (…) Est-ce pour retrouver le noyau, entendu comme le peu qui reste quand presque tout a disparu ? Certainement pas. Le très simple dont je parle ne se présente pas avec cette rigidité, cette netteté qu'on attribue au " noyau " (oubliant que le bon destin du noyau, c'est d'aller en terre, d'y mourir, pour que de lui naisse la vie, imprévisible et foisonnante). Peut-être même, le très simple sera-t-il balbutiant, partie, momentané, comme la parole naissant en nous, ici et maintenant à l'écoute d'une parole que nous ne maîtrisons pas du tout. Auquel cas, loin de réduire la Parole à ce que nous en disons, nous demeurons en écoute, prêts à ce que se fasse en nous le chemin que nous ne fabriquons plus.

Maurice Bellet, Passer par le feu.

Quelques suggestions :
- Pour soutenir les échanges, chacun peut s'appuyer sur tel ou telle des textes et des illustrations proposés.
- Prendre un petit temps de silence ou d'écriture avant de lancer les échanges peut faciliter la circulation de la parole.
- Vous avez sans doute déjà constaté que d'oser dire "je" plutôt que "on" , échanger des expériences plutôt que des concepts ou des " il faut " donne de la profondeur au partage…
- Nous vous proposons de réserver un temps de silence à la fin de l'échange. Chacun y sera invité à noter une parole qui l'aura marqué. Ensuite, ceux qui le souhaitent pourraient partager cette parole au groupe.

Et une demande à une personne de votre groupe possédant un e-mail :
- Merci de regrouper les paroles ainsi recueillies et de les faire parvenir dès que possible à : jetmj.ledru(chez)free.fr. pour les groupes de préparation des célébrations pascales (auxquels vous serez vraiment les bienvenus !).