L’utilisation du religieux
dans la communication :
publicité, presse, jeux video
1
Un détournement de signes
La publicité puise librement dans l’univers religieux comme dans un vaste répertoire de signes parmi d’autres, une mémoire culturelle à la disposition de tous, qui ne serait plus la propriété de personne.
L’exposition met en scène les trois procédés les plus courants de la publicité :
- la folklorisation du religieux
- Le recyclage des œuvres d’art
- Le recours au thème de la tentation et du péché
LA FOLKLORISATION DU
RELIGIEUX
UN RELIGIEUX « FOSSILE »
La publicité a besoin de
clichés pour construire ses images
Elle utilise essentiellement des représentations correspondant à des pratiques religieuses désuètes voire disparues ( bonnes sœurs en cornette, etc), ou une iconographie terriblement datée (diables avec des cornes, anges avec des ailes, etc…)
Paradoxe : la publicité se veut
résolument moderne. Et elle s’institue en conservatoire nostalgique d’une
religion pré-conciliaire.
Trois procédés :
- L’utilisation des « corps
intermédiaires » de l’Eglise : le clergé
- L’utilisation des « corps
intermédiaires » du divin : anges et diables
-
L’utilisation de signes facilement reconnaissables : auréole,
chapelet, calice
LE RECYCLAGE DES OEUVRES D’ART
La publicité s’inspire par essence des arts visuels.
Les arts visuels reposent en Occident sur
une tradition picturale largement alimentée par l’art chrétien.
Cette référence s’exprime généralement dans
la publicité de manière indirecte, mais peut aller aussi jusqu’au pastiche.
Au fond, dans ses images, la publicité est
plus tributaire de la peinture religieuse que du récit biblique ou évangélique
lui-même. La publicité, point ultime d’une trajectoire en trois étapes, où la
confession chrétienne devient culture, puis la culture devient consommation.
LA THEMATIQUE DE
LA TENTATION ET DU PECHE
Une réduction :
La publicité tend à retenir surtout de la
religion la thématique du péché. Elle insiste sur la dynamique de la
culpabilité. Et elle fait de la sexualité son point d’application privilégié.
Une inversion :
Le mot d’ordre de la publicité n’est plus
« se libérer de ses passions », mais « libérer ses
passions ».
La publicité inverse la culpabilité en
permissivité. La tentation devient une valeur positive, et y succomber une
aspiration. L’homme tenté n’est pas coupable ni victime, mais héros.
QUAND LA CONSOMMATION
DEVIENT RELIGION…
Certains redoutent que l’utilisation répétée de thèmes religieux dans la publicité ne traduise une profanation du sacré.
D’autres au contraire
se réjouissent d’un recyclage qui prouve la permanence, voire le retour du
religieux par des voies détournées dans une société qui ne serait sécularisée
qu’en apparence.
En réalité, c’est
justement parce que la société se détache du christianisme que des emprunts à
son histoire et à ses images à des fins décalées sont rendus possibles. Le
religieux est devenu un répertoire de signes parmi d’autres, dans lequel il est
devenu possible à chacun de puiser à sa guise sans dommage.
Le déplacement majeur
de la modernité n’est pas dans une hypothétique profanation du sacré, mais dans
une bien réelle sacralisation du profane. Le langage religieux est le
langage de l’absolu. Le langage de la publicité aussi : elle est obligée
de faire de chaque produit ou de chaque marque qu’elle promeut l’aboutissement
de tous les désirs, l’incarnation de toutes les vertus. Mais l’absolu du
religieux chrétien mettait au centre un sujet (l’homme, dans sa relation à
Dieu). L’absolu de la publicité met au centre un objet.
Bibliographie : J. Cottin, R. Walbaum : Dieu et la pub – éd. du Cerf
2
Une
amplification des mots
L’exposition a réuni une
sélection d’articles
puisés dans toute la presse, dont aucun ne traite directement d’un thème
religieux, mais qui tous utilisent pourtant des termes qui en relèvent.
LA PRESSE
UN CONSERVATOIRE DE MOTS
La grande presse ne parle pas beaucoup de religion, mais utilise couramment le vocabulaire religieux pour parler d’autre chose, quand elle veut en parler intensément.
La rubrique
« Sports » en particulier en fait une grande consommation. Rien de
tel que des expressions puisées dans le sacré pour donner des allures d’épopée
à des événements au fond bien répétitifs : matchs et records, victoires et
défaites.
Les deux figures les
plus invoquées dans les titres de presse sont le paradis et l’enfer. Surtout
l’enfer, qui fait plus d’effet (avec les autres figures du malheur :
calvaire, chemin de croix, etc.).
Les personnages
auxquels on compare les acteurs de l’actualité sont variés : Dieu, messie,
madone, prophète, ange, saint, personne ne manque à l’appel.
Sans compter quelques
expressions isolées qui surgissent de ci de là comme des bulles qui viendraient
éclore à la surface des pages : sept péchés capitaux, grand’messe, Credo…
3
Un détournement de sens
Un certain nombre de jeux video mettent en scène des mondes où toutes les relations sont construites autour de la dimension religieuse. Mais un religieux fondé sur une représentation totalement déconnectée, ou totalement inversée, de l’univers chrétien.
L’exposition présente trois exemples de ces jeux :
- “Age
of Empire “
- “ Black and White ”
- les cartes “ Magic ”
L’ENFER DU JEU
VIDEO
Passe-temps favoris de toute une génération, vrai concurrent pour la télévision et partenaire toujours disponible malgré les défaites qu’il inflige : le jeu vidéo.
Adresse, vitesse, réflexe, un vrai défoulement… : ce sont les jeux d’arcade. Certains sont un peu frustes : les « beat them all » (cognez-les tous !) ou « shoot them up » (descendez-les !). D’autres sont plus «soft» : des jeux plate-forme où il faut passer de mondes en mondes, une quête du Graal.
Plus ludiques et apparemment plus enrichissants, les enfants vantent aussi les jeux de stratégie et de simulation. Non pas les simulateurs de vol, les voitures rapides, mais les «Sims» : créer des villes ou des mondes virtuels, mêlant urbanisme, économie, réécriture de l’histoire de l’humanité. De vrais choix à opérer, un certain goût pour l’impérialisme peut-être… vous révélez votre puissance, votre créativité, vous voilà démiurge. Une petite touche de médiéval, une pincée de religieux,... que signifie alors le Bien et le Mal, les vies gagnées, le salut, la conversion… notions et signes religieux employés dans l’intérêt du scénario ?
Les jeux video ne
recyclent pas que des signes extérieurs du religieux comme la publicité. Ils
touchent à certaines de ses dimensions essentielles et de ses dynamiques
profondes.
Mais c’est un religieux
fondé sur une représentation totalement déconnectée, ou totalement inversée, de
l’univers chrétien.
Quelques attributs des jeux vidéo :
- le religieux est un rapport de forces, qui sert à gagner ou à perdre (donc à annexer ou à aliéner l’autre).
- le religieux c’est du passé, et même plus précisément un passé médiéval.
- Le religieux se réduit à une opposition du bien et du mal, du bénéfique et du maléfique.
- Le religieux procure des avantages qui relèvent de la magie (des « forces », des « vies », des « chances », etc…).
Lent et faible. Il
convertit les unités et les navires ennemis à votre civilisation (votre couleur
de joueur). Il soigne les villageois et les unités militaires blessés (sauf
armes de sièges et navires)
Conversion de
certains bâtiments, armes de sièges –Rédemption
Vitesse de
déplacement ---Ferveur
Points de coup –
Sainteté
Conversion d’autres
moines – Expiation
La religion avait une forte emprise pendant le Moyen-Age , qu’il s’agisse de la religion catholique en Occident, de l’Islam au Moyen-Orient ou du Bouddhisme en Asie. Les missionnaires et professeurs de religion étaient essentiellement des moines, des hommes qui avaient fait vœu de pauvreté et qui consacraient leur vie à répandre leur message.
Le développement des
technologies suivantes améliore vos moines
La ferveur (à
l’église) rend vos moines plus rapides.
Les plus grandes
religions inspirent à certains de leurs fidèles une grande passion et une
grande ferveur. Il en résulte un fort engagement et investissement, en particulier
de la part des enseignants et des interprètes du groupe.
Sainteté
La sainteté (à
l’église) augmente les points de coup de vos moines.
Pour atteindre la
sainteté, il fallait vivre en saint. Les saints hommes des grandes religions du
Moyen Age s’évertuaient à y accéder à travers leur obéissance aux textes
sacrés, leur vœu de pauvreté et leur respect de tous les êtres vivants. (extrait de la notice de « Age of Empire »)
(extrait de la notice de « Age
of Empire »)
Reliques
Objets spéciaux qui sont placés aléatoirement sur la carte.
Elles ne peuvent être déplacées que par les moines.
Vous pouvez gagner la plupart des parties en contrôlant les
reliques.
L’influence de la
religion dans la vie quotidienne au Moyen-Age,
particulièrement en Europe, a été illustrée par le trafic de reliques
religieuses. Les sépultures de saints devinrent des lieux de pèlerinage. Une
église ou un monastère ne détenant que quelques reliques d’un saint ou une
petite partie de la vraie croix attirait un flot de pèlerins. Petit à petit un
marché s’est développé et les hommes riches se disputaient l’acquisition de ces
reliques…
Monastère
Les monastères vous permettent de créer des
moines et d’améliorer leur capacité à soigner les blessés et à convertir
l’ennemi.
Les monastères étaient des communautés religieuses fermées où des prêtres et des croyants vivaient à l’écart pour se consacrer à la prière, à l’étude et au culte. La vie monastique fut adoptée par plusieurs religions dont la religion chrétienne et le bouddhisme. Les personnes qui vivaient dans les monastères étaient des moines.
(extrait de la notice de « Age of Empire »)
L’ignorance et l’oubli
Beaucoup d’expressions que nous utilisons sans y penser trouvent leur source dans la tradition religieuse. Nous en souvenons-nous encore ? Ou ne l’avons-nous jamais su ?
Des élèves d’une classe de 2e
proposent leurs interprétations :
Voici une expression qu’il vous est peut-être arrivé d’entendre ou d’employer. Pouvez-vous indiquer sa signification. Si vous ne la connaissez pas, dites ce que vous pensez qu’elle peut signifier.
Que ta gauche
ignore ce que fait ta droite.
-
Que les autres
ignorent ce que tu fais en cachette.
-
Signifie le manque
d’organisation de quelqu’un.
-
Fais comme bon te
semble.
Pauvre comme
Job.
-
Job était un personnage biblique qui avait une
douzaine d’enfants et qui avait vu en rêve une échelle qui montait au ciel.
-
Job était un fervent
chrétien qui resta pauvre par amour du Christ en ignorant les démons qui
voulaient le pervertir dans la richesse.
-
Job est un stéréotype
américain symbolisant la nonchalance et la pauvreté : une vie simple.
Je m’en lave
les mains.
-
Ne pas faire attention à ce qu’on nous dit.
-
Se faire pardonner
-
S’en réjouir
d’avance. L’expression vient probablement de la joie procurée par la pensée
d’un festin prochain.
Porter sa
croix.
-
Porter ses affaires
soi-même
-
Se créer des
problèmes qui sont fatals.
-
Porter en soi un
remords ou quelque chose de lourd
Faire sa
traversée du désert.
-
Endurer une longue peine.
-
Faire sa propre route en accord avec ses désirs, ses expériences,
sa personnalité. Faire sa vie.
-
Parcourir son petit
bonhomme de chemin.
Rendre à César
ce qui est à César.
-
On ne peut garder indéfiniment quelque chose qu’on
nous a prêtée.
-
Faire la part des
choses, relativiser un événement.
-
Il ne faut pas voler
plus fort que soi et lui obéir.
Etre le bouc
émissaire.
-
On dit également être
la « tête de turc »
-
On se servait d’une
sorte de poutre horizontale pour défoncer les portes autrefois.
-
Etre celui qui porte
un message entre deux personnes sans que celles-ci ne correspondent sinon par
le bouc émissaire
Corrigé :
expressions d’origine biblique.
Que ta gauche ignore
ce que fait ta droite.
Recommandation de Jésus
concernant l’aumône. La discrétion concernant les « bonnes actions »
est garantie de son honnêteté et vaccin contre l’orgueil. (Cf. Mt 6,3).
Pauvre comme Job.
Personnage biblique très riche et puissant. Célèbre
pour sa patience et la qualité de sa souffrance face aux malheurs sans fin qui
le réduisent à la misère la plus noire. Dans le corps du livre, il se rebelle
contre Dieu, accusé d’être la cause du malheur de l’innocent.
Rendre à César ce qui
appartient à César.
« Et à Dieu ce qui est à Dieu ». Réplique
de Jésus aux Pharisiens, qui veulent le piéger: « Faut-il payer l’impôt
aux Romains » ? La monnaie en cours porte l’image de César. Jésus déplace
la question et met chaque ordre à sa place. (Cf. Mt 22,21).
Etre le bouc émissaire.
Lors de la fête du Yom Kippour
(Grand Pardon), le Grand Prêtre était censé transmettre les péchés d’Israël sur
le bouc en posant ses mains sur la tête de l’animal. Envoyé ensuite au désert,
lieu de mort, il libérait ainsi le peuple des fautes de l’année. (Cf. Lévitique
16,8-22).
Porter sa croix.
La croix, instrument du
supplice et de la mort de Jésus, devient symbole, entre autres choses, des
difficultés que chacun doit affronter dans la vie. (Cf. Mc
8,34).
Faire sa traversée
du désert.
Le peuple d’Israël,
libéré de l’esclavage en Egypte, passe quarante ans dans le désert avant
d’arriver à la terre promise. L’expression se réfère à l’expérience de
l’épreuve et de la difficulté dans la quête du but (Cf. le livre de l’Exode et
des Nombres).
Se laver les mains.
Pendant le procès de Jésus devant le gouverneur romain Pilate, celui-ci voulait le libérer. Face à la pression de la foule, il cède et le condamne à mort. Pour se dégager de toute responsabilité dans la mort d’un innocent, il se lave les mains en public montrant ainsi qu’il rejette la responsabilité de la mort de Jésus sur ses accusateurs. (Cf. Mt 27,24).